Agrotendances

L’Anses alerte sur les effets sanitaires des pyréthrinoïdes


Dans son rapport d’expertise publié le 24 avril 2025, l’Anses met en évidence plusieurs signaux sanitaires préoccupants concernant les insecticides de la famille des pyréthrinoïdes. Appuyée sur le dispositif national de phytopharmacovigilance et les données de l’étude Esteban, l’analyse souligne des effets potentiels sur la santé humaine. L’Agence appelle à un renforcement de la surveillance, à une actualisation des évaluations de risques et à une meilleure traçabilité des usages.

Des effets préoccupants des pyréthrinoïdes sont mis en évidence dans un rapport du 24 avril 2025. - © D.R.
Des effets préoccupants des pyréthrinoïdes sont mis en évidence dans un rapport du 24 avril 2025. - © D.R.

Troubles du comportement, perturbation sur la fertilité masculine, lien avec d’autres cancers… : à l’issue de son apport d’expertise publié le 24 avril 2025 , l’Anses met en lumière plusieurs alertes sanitaires, parmi lesquelles un signal particulièrement préoccupant concerne les pyréthrinoïdes. Cette classe d’insecticides est dans les produits phytopharmaceutiques, mais aussi dans divers usages biocides et certains médicaments vétérinaires.

Ce travail s’inscrit dans le cadre du dispositif national de phytopharmacovigilance, qui a pour objectif de détecter les effets réels, souvent différés, des produits phytosanitaires sur la santé humaine et les écosystèmes.

L’agence s’appuie notamment sur les résultats de l’étude Esteban menée par Santé publique France (2021), qui souligne une exposition fréquente de la population française aux pyréthrinoïdes, en particulier chez les enfants, plus touchés que les adultes.

Des effets sanitaires

Les experts consultés par l’Anses dans le cadre de cette évaluation ont identifié plusieurs effets sanitaires potentiels liés à ces substances :

  • des troubles du comportement de type internalisé chez les jeunes enfants, associés à une exposition durant la grossesse ;
  • des perturbations de la fertilité masculine, bien que les preuves soient jugées moins solides ;
  • un lien possible avec certains cancers hématologiques, notamment la leucémie lymphoïde chronique, en cas d’exposition professionnelle à la deltaméthrine.

Ces constats sont renforcés par une étude épidémiologique récente (Qi et al., 2022), qui indique que l’exposition prénatale aux pyréthrinoïdes peut avoir un effet délétère sur le développement neurologique des très jeunes enfants.

Les recommandations de l’Anses

Dans une optique de santé publique, l’Anses recommande de recenser les principales sources d’exposition aux pyréthrinoïdes, qu’elles proviennent de l’agriculture, de l’usage domestique, de traitements des matériaux ou des textiles.

L’agence insiste sur l’importance d’actualiser régulièrement l’évaluation des substances autorisées, notamment lorsqu’elles sont utilisées à long terme.

Elle appelle également à mieux exploiter la recherche scientifique disponible, en intégrant de façon systématique les résultats d’études épidémiologiques et les signaux issus de la surveillance post-mise sur le marché. L’accès aux données d’utilisation des produits est jugé essentiel pour mieux comprendre les risques liés à leur application réelle.

« Outre le strict respect des conditions d’emploi préconisées dans les autorisations et dont l’effet a pu être évalué, la minimisation des utilisations au strict nécessaire s’avère un élément de maîtrise essentiel des risques pour ces produits à effet pharmaco/toxicologique avéré », rappelle l’Anses.

La deltaméthrine et le 2,4-D vont faire l’objet de fiches de phytopharmacovigilance. Jusqu’ici établies par substances actives, ces fiches pourraient aussi être réalisées pour des familles de substances actives telles que celle des pyréthrinoïdes de synthèse incluant la deltaméthrine.

Un recours régulier aux expertises de l’Inserm

Ce rapport s’inscrit dans une série de travaux déjà menés par l’Anses à partir des conclusions de l’expertise collective de l’Inserm, notamment pour évaluer les liens entre certains pesticides et le cancer de la prostate ou pour ajuster les seuils toxicologiques de plusieurs fongicides (SDHi). Ces collaborations scientifiques renforcent la base de connaissances utilisée dans le processus réglementaire, tant au niveau national qu’européen.

Phytéis réagit

« L’analyse de l’Anses confirme la robustesse du cadre réglementaire en vigueur pour les produits phytopharmaceutiques en France », réagit Phyteis, le 25 avril 2025.

Parmi les 54 substances actives citées par l’Inserm, 45 ne sont plus sur le marché des produits phytopharmaceutiques en Europe. Sur les neuf substances encore autorisées en Europe, l’une d’entre elles, le Malathion, ne dispose d’aucune AMM dans le domaine agricole en France, selon Phyteis. Phyteis partage la préconisation de l’Anses concernant la nécessité de déterminer les contributions respectives des usages biocides et phytopharmaceutiques dans les indicateurs d’exposition.

Concepts clés et définitions : #Produits phytosanitaires