Elicit Plant : « C’est la rencontre de la science et des problématiques des agriculteurs »
Elicit Plant, start-up française spécialisée dans les biosolutions pour les grandes cultures, intègre la promotion 2025 du French Tech 120, qui distingue les jeunes entreprises les plus prometteuses. Ce label consacre son engagement en faveur d’une agriculture plus résiliente, notamment via une meilleure gestion de l’eau. Forte d’une production dépassant le million de litres et d’une adoption internationale, Elicit Plant confirme sa position de leader parmi les Agri Biotechs françaises. Rencontre avec Aymeric Molin, ingénieur agronome, agriculteur et cofondateur de la société, qui nous dévoile les coulisses de cette avancée agronomique.

Agro Matin : Comment fonctionne votre solution biostimulante ?
Aymeric Molin : C’est une solution à base de phytostérols, des molécules naturelles qui sont d’ordinaire produites par les plantes en période de stress, notamment quand l’eau vient à manquer. Elles indiquent à la plante qu’il est temps d’économiser l’eau. Elles stimulent la fermeture partielle des stomates des feuilles (l’équivalent des pores de la peau) pour limiter l’évapotranspiration, et encouragent la croissance des racines. En temps normal, la plante consacre environ 98 % de son eau au refroidissement de la surface de ses feuilles, et seulement 2 % produit de la biomasse. Pour les rendre plus résistantes lorsque le sol va se réchauffer et s’assécher, l’idéal est d’appliquer cette solution le plus tôt possible dans la saison, dès le stade 6-8 feuilles sur le maïs par exemple, afin de bien développer le système racinaire en profondeur. Cela fera plus d’eau accessible à la plante lors des jours sans pluie.
Agro Matin : D’où vient l’idée d’utiliser ces molécules ?
Aymeric Molin : C’est la rencontre de la science et des problématiques réelles des agriculteurs. Cela fait 45 ans maintenant que les chercheurs connaissent le rôle des phytostérols dans la gestion du stress hydrique des plantes. Formuler un produit utilisable en agriculture a été un vrai verrou technologique : contrairement aux vitamines qui les accompagnent, les phytostérols sont des molécules très résistantes, trop résistantes pour s’incorporer dans un liquide utilisable à des températures compatibles avec le travail des agriculteurs. Mais nos équipes ont breveté un procédé dont je ne vous parlerai pas, mais qui fonctionne de façon éblouissante sur le terrain !
Agro Matin : Comment se sont passés les premiers essais ?
Aymeric Molin : C’était sur une parcelle de soja dans ma ferme, dès 2018. Alors qu’elle était toute blanche, à cause des feuilles recroquevillées des plants de soja, la bande traitée 20 jours plus tôt avec Best-a est restée bien verte, en bonne santé. Nous avons enregistré une hausse de 13.7 % du rendement sur les zones traitées.

Agro Matin : Les feuilles se sont repliées sous l’effet du manque d’eau ?
Aymeric Molin : Oui, c’est un des premiers symptômes. Au niveau du sol, quand l’eau vient à manquer, les racines ne sont plus satisfaites et produisent des messagers chimiques pour signaler à la plante qu’elle doit économiser l’eau. Elle ferme alors partiellement les stomates de ses feuilles, les ouvertures qui permettent les échanges gazeux. Si la sécheresse se poursuit, la plante va recroqueviller ses feuilles, et c’est le premier signe extérieur d’un manque physiologique d’eau. Ensuite, elle va les dessécher, en commençant par les plus anciennes, celles du bas. Cela lui permet de récupérer l’eau et de focaliser ses efforts de photosynthèse dans les plus jeunes feuilles, au sommet de la plante. En cas de stress thermique, elle préférera sacrifier les feuilles du haut pour faire de l’ombre et protéger les feuilles plus anciennes. Stress hydrique, feuilles du bas, stress thermique, feuilles du haut !

Agro Matin : Quels impacts concrets la sécheresse actuelle pourrait-elle avoir sur les cultures céréalières en France cette année ?
Aymeric Molin : Les plantes qui sont en avance, comme dans le nord du pays, vont diminuer le poids de leurs grains pour économiser leur énergie. Les cultures de blé du sud de la France diminueront le nombre d’épis secondaires et donc produiront moins de grains. La récolte de cette année devrait être moins bonne que d’habitude à cause du stress hydrique et de la chaleur.
Avec nos produits, on peut permettre d’économiser environ 20 % de la réserve en eau de la plante, suffisamment pour lui permettre de survivre.
Agro Matin : Si le manque d’eau impacte à ce point les rendements, quelles prévisions peut-on faire sur les risques de stress hydrique dans les années à venir ?
Aymeric Molin : C’est un peu comme les feux de forêt, il y en a chaque année, et chaque année il faut prendre des mesures de précaution. Nos solutions sont des outils de protection contre le stress hydrique. Est ce qu’il y aura quelques jours secs cet été ? C’est une certitude. Avec nos produits, on peut permettre d’économiser environ 20 % de la réserve en eau de la plante, suffisamment pour lui permettre de survivre.
Agro Matin : et côté chaleur, cela va aussi poser des problèmes ?
Aymeric Molin : Je rappelle que la fenêtre optimale de température du maïs est de 18 à 32°C. En dessous de 18°C, la plante est confortable, elle n’a pas besoin de se refroidir. Au-delà de 32°C en revanche, elle passe en mode survie. Le stress thermique est bien plus impactant que le stress hydrique. Même en présence de phytostérols, elle va réouvrir ses stomates, et laisser s’évaporer l’eau contenue dans ses feuilles, pour les rafraîchir et préserver leur photosynthèse. Comme je dis toujours : “La survie avant tout”.