« N’attendons pas d’être au pied du mur pour chercher des solutions » Delphine Paul-Dauphin (Abba)
Réunis à Paris le 4 novembre, les membres de l’Abba ont fait le point sur le Grand Défi biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie. Entre retours d’expérience d’agriculteurs et perspectives de recherche, la journée a confirmé la nécessité d’innover collectivement pour accélérer l’adoption des biosolutions.
Une communauté engagée pour accélérer la transition agroécologique
Le 4 novembre, les membres de l’Abba (Association Biocontrôle et Biostimulation pour l’Agroécologie) se sont réunis à Paris pour leur séminaire bisannuel, consacré à la mise en action du Grand Défi biocontrôle et biostimulation pour l’agroécologie (GDBBA). L’événement, rythmé par des temps d’échanges, de tables rondes et de travail collectif, a réuni chercheurs, agriculteurs-expérimentateurs, chefs d’entreprise et spécialistes des biosolutions.
Un constat partagé par tous : les biosolutions fonctionnent lorsqu’on s’investit dans leur mise en œuvre. Dans un contexte de réduction des solutions conventionnelles, mieux vaut apprendre à les maîtriser avant d’y être contraint.
Recherche et innovation : repartir des besoins du terrain
Pour Sébastien Neveu, agriculteur dans l’Yonne, « ma transition vers les biosolutions s’inscrit dans une démarche de progrès et de responsabilité sociétale. Après avoir perdu 100 hectares de colza en 2019, j’ai compris qu’il fallait faire évoluer le système : sortir de la rotation colza-blé-orge, semer en direct, ajouter des couverts, diversifier les cultures. L’important, c’est de ne pas rester isolé : les réseaux sociaux sont une vraie aide pour ça. » Romuald Carrouge, agriculteur dans la Marne, rebondit : « C’est vrai qu’on a parfois l’impression d’être des ovnis ! Il faut se réunir pour dépasser cette phase d’appréhension, car l’efficacité des biosolutions n’égale pas encore celle des produits conventionnels. Pour moi, c’est une quête de sens : produire autrement, pour mieux nourrir. Avec notre marque C’mon pote agri, on vise les circuits ultra-courts. »
Côté recherche, Thibaut Malausa (Inrae) rappelle que « l’agriculture de demain sera plus efficiente qu’efficace : il faut repartir des besoins des agriculteurs pour construire les innovations, et reconnaître leur rôle d’expérimentateurs sur leurs exploitations ».
On va devoir passer d’une agriculture riche en intrants à une agriculture riche en connaissances, en technicité.
« C’est triste à dire mais les plus grandes innovations sont nées de catastrophes, de fléaux auxquels notre société a dû s’adapter et vite, rappelle l’ancien éleveur et auteur Hervé Pillaud. Pour les biosolutions, tout est sur la table, il ne faut rien se refuser. On va devoir passer d’une agriculture riche en intrants à une agriculture riche en connaissances, en technicité. On ne peut pas simplement remplacer une molécule par une autre, il faut mettre en jeu tous les leviers d’agronomie possible sur le terrain et refaire travailler ensemble les TC et les expérimentateurs. »
Pour répondre à ces problématiques, de quête de sens et de structure, Delphine Paul-Dauphin, directrice de l’Abba, a présenté la dynamique du Grand Défi et son projet d’infrastructure distribuée : « C’est de l’innovation collaborative, une approche bottom-up : les besoins des agriculteurs doivent inspirer les solutions de demain. Pour franchir le plafond de verre qui bloque le développement des biosolutions, il faut inventer de nouveaux modèles organisationnels. N’attendons pas d’être au pied du mur pour chercher des solutions. »
Lancé au Salon de l’agriculture en mars 2024 et doté de 60 millions d’euros, le GDBBA soutient la recherche et le déploiement d’alternatives aux produits de synthèse, en lien avec le programme France 2030. Trois axes structurent l’action : la coordination des initiatives, le développement et le transfert des solutions, et la conception de modèles innovants pour les besoins futurs.
Prochaine étape : un appel à projet dès 2026
L’Abba s’apprête à coordonner un appel à projet pour trouver des initiatives originales afin d’accélérer l’adoption des biosolutions et accompagner ceux qui, sur le terrain, expérimentent déjà une autre manière de produire. Celui-ci sera porté par un opérateur externe