Agrostratégie

Mark Schulz, ICL : « Notre stratégie, c’est d’apporter aux agriculteurs des engrais modernes et fiables »


Historiquement positionné sur les fertilisants de commodités, ICL Group accélère sa mutation vers les engrais de spécialités. Avec des solutions enrichies, à faible empreinte carbone ou issues du recyclage, l’entreprise veut répondre aux besoins d’une agriculture en pleine transition. Mark Schulz, directeur général d’ICL France, détaille la stratégie du groupe et ses perspectives pour le marché européen.

Mark Schulz, ICL : « Notre stratégie, c’est d’apporter aux agriculteurs des engrais modernes et fiables »
Mark Schulz, ICL : « Notre stratégie, c’est d’apporter aux agriculteurs des engrais modernes et fiables »

Pourquoi le groupe ICL, historiquement tourné vers les fertilisants de commodités, a-t-il décidé de lancer Beoz, sa gamme de biostimulants ?

Gustavo Vasquez (président d’ICL Growing Solutions Europe, N.D.L.R.), m’a demandé d’opérer une transformation de la société vers les engrais de spécialités. ICL a un bon héritage : nous avons démarré avec des sites d’extraction de phosphate et de potasse au Proche-Orient. Mais, en Israël, nous avons toujours eu des problèmes avec le climat, qui nous a obligés à être innovants. Les biostimulants font partie d’un développement stratégique d’ICL visant à répondre aux besoins des cultures, en condition de stress abiotique (sécheresse, chaleur), comme nous l’avons fait pour les solubles, développés pour être plus efficaces en fertirrigation, ou les engrais enrobés. La dernière nouveauté, ce sont les fertilisants à base de phosphore recyclé.

Il fallait changer notre approche pour être performants dans un domaine qui n’était pas prioritaire avant. J’ai donc fait deux choses à mon arrivée : d’abord, une enquête auprès de nos clients. Je leur ai demandé ce qu’ils pensaient d’ICL et leurs attentes. J’ai entendu des choses comme « On a besoin de fiabilité », « On a besoin d’une orientation vers des produits plus efficaces », « On souhaite jouer un rôle dans les développements ». On nous a demandé d’être plus présents sur les marchés, d’aider les gens à vendre les nouveaux concepts, avec davantage de connaissances et de preuves que les produits fonctionnent.

En conséquence, j’ai changé l’organisation. Nous n’allons pas abandonner les produits classiques, parce qu’ils seront nécessaires dans le futur. Mais il fallait réagir. Face aux conditions climatiques qui évoluent, il nous faut des produits modernes et précis, pour avoir un meilleur rendement, mais aussi une meilleure efficience. Les agriculteurs en ont besoin. La pluie devient très erratique : parfois trop forte, parfois pas assez. Les périodes de sécheresse sont de plus en plus récurrentes. Dans ces situations, les solubles, les produits enrobés servent, jusqu’à un certain niveau. La prochaine étape, ce sont les biostimulants.

Quel est le poids du marché européen dans les ventes d’ICL ? Comment évolue ce marché ?

Le marché des engrais en Europe est le plus important pour ICL. Mais c’est un marché qui est en baisse. Il y a deux facteurs : le premier, c’est la crise de 2021 à 2023 ; le second, le fait que l’agriculture change, qu’on utilise de moins en moins d’engrais, que l’on soit plus attentif à la manière de travailler avec certains types de produits.

Cette année est une bonne année, nous sommes plus ou moins sur un niveau d’avant-crise. Mais il n’y a pas de croissance dans les granulés. Il y a un changement de qualité sur les produits que nous allons vendre : nous avons une gamme PLUS, enrichie en polyhalite, dont le produit phare est le Polysulphate, doté d’une empreinte carbone très faible.

Pour les spécialités, nous voyons une croissance. Depuis des années, les volumes augmentent. Le plus grand marché en Europe est l’Espagne, suivie par la France et l’Italie. À eux trois, ces pays représentent 75 % de nos ventes sur le continent.

« Il y a un élément qui joue beaucoup sur notre stratégie, c’est la souveraineté pour le marché français. Nous avons sept sites logistiques en France dans lesquels nous stockons nos produits, mais également les mélanges avant de les distribuer vers la clientèle. La proximité est très importante pour nous. »

Début juin 2025, un collectif de professionnels de santé alertait les pouvoirs publics sur l’exposition croissante de la population française au cadmium, métal lourd présent dans les engrais phosphatés. Votre société prend-elle des mesures pour limiter la teneur de ses engrais ?

Nous sommes toujours conformes à la réglementation, et même en dessous. Il faut dire que le cadmium est naturellement présent dans les gisements de phosphate. Extraire le cadmium demande de l’énergie, et de l’argent. Pour le moment, nous étudions les possibilités pour réduire les teneurs en cadmium. Nous entendons, sur le marché, des demandes pour réduire drastiquement les taux. Il faut donc questionner les processus existants en vue d’anticiper les changements de réglementation à venir. Mais cela prend du temps d’avoir des solutions commercialisables.

Ce n’est pas notre objectif de trouver une mine où, par hasard, le cadmium serait plus faible. L’autre possibilité, dans laquelle je vois davantage d’intérêts, c’est notre Puraloop, un fertilisant à base de phosphore recyclé pour lequel il n’y a pas de problème de cadmium. Nous le développons dans deux usines européennes, à Amsterdam (Pays-Bas) et à Ludwigshafen (Allemagne). Pour développer la production de ce phosphate recyclé, il faut prévoir certains investissements qui sont en train d’être étudiés. La transformation totale prend du temps. Mais nous aurons un peu plus d’offres l’année prochaine.