Labels bio, un engagement plus poussé sur la préservation de la biodiversité selon l’Inrae
Les labels alimentaires intègrent souvent des pratiques bénéfiques à la biodiversité, mais leur impact reste difficile à mesurer. C’est le constat d’une vaste étude menée par l’Inrae et l’Ifremer, publiée le 29 avril 2025. Pendant plus de deux ans, 29 experts ont analysé 13 référentiels de labels agricoles et halieutiques. Leur travail met en lumière à la fois les avancées en matière de pratiques favorables à la nature et les lacunes méthodologiques qui freinent une évaluation environnementale complète.

Si les labels apportent des informations utiles au consommateur - origine, qualité, méthodes de production - l’évaluation environnementale reste lacunaire. Durant deux ans et demi, 29 spécialistes ont examiné 13 cahiers des charges de labels utilisés dans les secteurs agricoles et halieutiques. Ils ont évalué dans quelle mesure les pratiques bénéfiques à la biodiversité y sont intégrées, en termes d’ambition, de caractère obligatoire, et de mécanismes de contrôle. Cette analyse a été complétée par une revue de plus de 1 200 références, dont 800 publications scientifiques et divers rapports institutionnels ou associatifs. Les résultats de l’étude, réalisée par l’Inrae et l’Ifremer, et commandés par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique, ont été publiés le 29 avril 2025.
« Les labels jouent un rôle positif dans la prise en compte de la biodiversité, puisque tous ceux que nous avons analysés comportent au moins une mesure en sa faveur. Toutefois, quantifier leurs effets reste complexe, et cela ne doit pas freiner l’action », explique Olivier Le Pivert, responsable du soutien aux politiques publiques à l’Ifremer, lors d’un point presse à Paris, le 29 avril.
Un tiers des produits agricoles sous label « Environ une exploitation agricole sur quatre en France est engagée dans une démarche de labellisation officielle, ce qui couvre plus de 1 100 produits alimentaires. En complément, la certification de conformité encadre plus de 280 produits, allant des fruits aux viandes, en passant par les céréales et poissons », indique Guy Richard, directeur de l’expertise scientifique à l’Inrae.
Les labels bio, plus favorables à la biodiversité
Le rapport met en lumière les effets positifs de certaines pratiques. L’agriculture biologique, par exemple, permettrait une augmentation de la richesse spécifique d’environ 30 % par rapport aux pratiques conventionnelles.Sur les dix labels agricoles examinés, tous intègrent au moins une action favorable à la biodiversité, selon Françoise Lescourret, responsable scientifique à l’Inrae.
Trois labels bio - AB, Demeter et Nature & Progrès - se distinguent par un engagement plus poussé : pratiques obligatoires, ambitieuses et avec un niveau de confiance élevé quant à leurs effets.
Huit pratiques ont ainsi été identifiées comme bénéfiques à la biodiversité :
- maintien d’habitats semi-naturels,
- diversité des rotations culturales,
- présence de prairies,
- réduction ou suppression du travail du sol,
- absence de pesticides de synthèse,
- recours à la fertilisation organique,
- utilisation de plantes de couverture,
- cultures associées.
La baisse du travail du sol et les cultures associées, peu présentes dans les cahiers des charges
« Certaines pratiques sont peu mentionnées dans les cahiers des charges. Deux d’entre elles sont peu présentes, comme la réduction du travail du sol, abordée par un seul label (RTRS) de manière obligatoire et ambitieuse, ou bien les cultures associées, mentionnées dans un seul label (HVE) », insiste Françoise Lescourret.Certaines pratiques indirectes, comme l’alimentation animale et son lien potentiel avec la déforestation, n’ont pas pu être évaluées, faute de données suffisantes.
Des outils d’évaluation en cours de développement
Deux méthodes ont été testées pour rendre les effets des labels sur la biodiversité plus visibles :
- Contra-BiodivLabel : une note de biodiversité calculée à partir des pratiques décrites dans les cahiers des charges, permettant une estimation a priori.
- BVIAS : un indicateur s’appuyant sur les données statistiques agricoles et économiques pour estimer les impacts, même en l’absence de label.
Vers un affichage environnemental plus complet
Les effets des pratiques agricoles dépassent souvent l’échelle de la parcelle. « Les impacts peuvent être indirects ou se manifester à l’échelle paysagère, rarement intégrée dans les référentiels », reconnaît Olivier Le Gall, scientifique à l’Inrae.L’étude propose que l’affichage environnemental des produits tienne compte de ces impacts, à l’image du Nutri-Score pour la nutrition. Elle souligne aussi le dilemme entre land sparing (conserver des espaces naturels intacts) et land sharing (intégrer la biodiversité dans les zones agricoles), un débat central pour l’agroécologie.
Préconisations des chercheurs
Le rapport recommande une documentation plus rigoureuse des effets des pratiques promues par les labels, ainsi qu’un soutien public accru pour encourager les filières à s’engager en faveur de la biodiversité. Un affichage environnemental harmonisé pour tous les produits - labellisés ou non - figure également parmi les propositions phares du rapport.
Les labels étudiés par l’Inrae et l’Ifremer :
• Agriculture biologique (AB)
• Appellation d’origine protégée (AOP) Comté
• Aquaculture Stewardship Council (ASC),
• Bleu-Blanc-Cœur
• Certified Sustainable Palm Oil (CSPO)
• Haute valeur environnementale (HVE)
• Demeter• Pêche durable
• Label rouge
• Marine Stewardship Council (MSC)
• Nature & Progrès
• Rainforest Alliance
• Round Table on Responsible Soy (RTRS)
Concepts clés et définitions : #Agriculture biologique