Agroécologie

Cultures fragilisées par les ravageurs : Inrae identifie les solutions pour réduire les néonicotinoïdes


Remis à la ministre de l’Agriculture le 28 octobre, le rapport d’Inrae sur les alternatives aux néonicotinoïdes dresse un état des lieux des solutions chimiques et non chimiques mobilisables dans six filières. Biocontrôle, lutte biologique et sélection variétale figurent parmi les leviers prioritaires, notamment pour la betterave.

Cultures fragilisées par les ravageurs : Inrae identifie les solutions pour réduire les néonicotinoïdes
Cultures fragilisées par les ravageurs : Inrae identifie les solutions pour réduire les néonicotinoïdes

Un rapport pour éclairer six filières agricoles

Saisi en mai 2025 par la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, Inrae a livré à l’automne un rapport intitulé « Alternatives chimiques et non chimiques existantes à l’usage des néonicotinoïdes ». La mission intervenait dans le contexte du débat parlementaire sur la loi Duplomb, qui prévoyait de réintroduire ces insecticides sous certaines conditions.

L’étude couvre six filières concernées par des ravageurs spécifiques : le puceron de la betterave, les pucerons et l’anthonome du pommier, la mouche du cerisier, les punaises et coléoptères de la noisette, les mouches du figuier et le puceron du navet. Pour chacune, Inrae recense les leviers mobilisables pour réduire la dépendance aux produits de synthèse : produits de biocontrôle, pratiques agronomiques, lutte biologique ou sélection variétale.

Betterave : biocontrôle et résistance génétique en ligne de mire

La filière betteravière reste la plus emblématique du débat sur les néonicotinoïdes, en raison de la jaunisse transmise par le puceron vert. Inrae y identifie deux axes majeurs : le développement du biocontrôle et la création de variétés résistantes.

Les leviers de biocontrôle jugés prometteurs comprennent l’usage de médiateurs chimiques, de champignons entomopathogènes, de plantes de service, de substances naturelles ou encore d’auxiliaires. Leur efficacité reste toutefois à consolider, notamment grâce à une épidémiosurveillance renforcée et un bon positionnement des applications. L’usage de drones pour l’épandage de certains produits, comme les médiateurs chimiques en granulés, est également évoqué.

Côté génétique, plusieurs variétés tolérantes à la jaunisse existent déjà, mais leur rendement demeure inférieur à celui des génotypes de référence. Il faudra encore quelques années pour disposer d’une offre suffisamment performante et diversifiée.

Arboriculture : miser sur la lutte biologique et les pratiques combinées

Dans les vergers de pommiers et de cerisiers, les solutions passent par le renforcement de la lutte biologique et du biocontrôle. Des produits à base d’huiles, d’extraits naturels ou de médiateurs chimiques montrent une efficacité intéressante lorsqu’ils sont appliqués aux bons stades.

Inrae souligne aussi l’intérêt des bandes fleuries, favorables aux auxiliaires, et du contrôle d’automne pour limiter l’installation des populations de pucerons. L’institut appelle toutefois à une réflexion sur les exigences de qualité visuelle imposées aux fruits, jugées difficilement compatibles avec une réduction forte des insecticides.

Pour la noisette, les pistes se concentrent sur les champignons entomopathogènes, les parasitoïdes et les plantes pièges, même si leur efficacité reste à démontrer. La technique de l’insecte stérile, déjà explorée contre la mouche du cerisier, pourrait être élargie à d’autres ravageurs.

Dans le cas de la figue, la surveillance des populations et la diversification des produits disponibles demeurent prioritaires, la culture étant encore peu couverte par l’offre phytosanitaire.

Une approche concertée et pragmatique

« Ce qui est original dans ces travaux, souligne Philippe Mauguin, PDG d’Inrae, c’est la concertation avec les professionnels et les instituts techniques pour évaluer le caractère mobilisable des solutions. » L’institut recommande de fiabiliser les outils de court terme, de renforcer rapidement le panel de solutions et de poursuivre les efforts de recherche à moyen terme.

Cette vision intégrée combinant biocontrôle, génétique, surveillance et pratiques agronomiques doit, selon Inrae, guider la transition vers une protection des cultures moins dépendante des insecticides de synthèse.