Frédéric Imbert (TSE) : « Les canopées agrivoltaïques jouent un rôle d’amortisseur face au climat. »
Après trois années d’expérimentation menées avec l’INRAE, les coopératives et les Chambres d’agriculture, TSE partage ses premiers enseignements sur la performance agronomique de ses canopées agrivoltaïques. Microclimat, réduction du stress hydrique, maintien des rendements et confort animal : Frédéric Imbert, directeur R&D agro de TSE, revient sur les observations réalisées sur les différents sites pilotes et sur les perspectives du programme.
Les premiers résultats montrent une nette régulation du microclimat sous canopée. Comment expliquez-vous cette efficacité thermique et quels effets concrets avez-vous observés sur les besoins en eau des cultures ?
Frédéric Imbert : Les canopées fonctionnent comme des structures semi-ouvertes, environ 40 %, qui génèrent un microclimat. Elles atténuent le gel, avec un écart assez constant d’un à deux degrés par rapport à l’extérieur, et limitent l’évaporation du sol. À l’ombre, la réserve hydrique se maintient mieux en période de chaleur. L’effet est surtout visible dans les régions fortement ensoleillées. Plus le climat est chaud, plus la réduction du stress thermique se traduit en gains de rendement. Dans les zones plus au nord, où les cultures subissent moins d’extrêmes, l’écart entre les zones sous panneaux et les témoins est naturellement plus faible.
Le pilotage agroclimatique semble jouer un rôle clé dans les gains de rendement annoncés. Sur quels capteurs ou modèles repose ce pilotage, et comment les agriculteurs interagissent-ils avec ces outils au quotidien ?
Frédéric Imbert : Sous les canopées, ainsi que sur les zones témoins, des capteurs mesurent en continu la température, l’humidité de l’air, la réserve hydrique du sol et la lumière reçue par les plantes. Ces données sont collectées et analysées par une équipe dédiée de modélisation, qui étudie l’impact des canopées sur le rendement et la qualité des cultures, tout en prenant en compte la production électrique. Ces modèles permettent de mieux comprendre comment ajuster l’usage des panneaux et d’anticiper le stress thermique ou hydrique sur les cultures.
Au quotidien, certains ajustements ponctuels restent possibles, comme déplacer ou ouvrir les panneaux à des moments clés du cycle de croissance pour prioriser la qualité ou la résilience des cultures au détriment d’une fraction de la production électrique. Des contraintes pratiques existent également, comme le retrait temporaire des capteurs suspendus pour laisser passer les pulvérisateurs ou effectuer d’autres interventions agricoles.
Les rendements totaux restent globalement similaires entre zone témoin et zone sous canopée, mais avec une meilleure résilience en conditions sèches. Peut-on dire que l’agri-voltaïsme est avant tout un outil de sécurisation des productions ?
Frédéric Imbert : L’agrivoltaïsme est d’abord un outil d’adaptation au changement climatique, dont les effets se renforcent année après année. Le système joue un rôle d’amortisseur, surtout en conditions chaudes et sèches. Les fourrages et les céréales à paille y répondent particulièrement bien. Nous avons observé deux années de suite une qualité supérieure des grains, avec un meilleur calibre et un taux de protéines plus élevé, car les plantes subissent moins de stress.
Les observations sur le comportement animal pendant les canicules de 2025 sont frappantes. Envisagez-vous de développer des dispositifs spécifiquement conçus pour les prairies et l’élevage ?
Les futurs systèmes seront adaptés aux contextes géographiques, aux filières locales et aux pratiques des exploitants.
Frédéric Imbert : Chez TSE, nous visons des systèmes comportant entre 50 et 66 % de prairies et entre 50 et 33 % de cultures. Certains dispositifs pourraient intégrer des prairies temporaires dans les rotations, comme la luzerne dans certaines zones. Les futurs systèmes seront adaptés aux contextes géographiques, aux filières locales et aux pratiques des exploitants.
TSE a conçu une “canopée agricole unique au monde”. En quoi cette technologie se distingue-t-elle des ombrières photovoltaïques classiques déjà présentes sur le marché ?
Frédéric Imbert : Contrairement aux ombrières classiques, les canopées offrent une autonomie bien plus grande à l’agriculteur, qui peut ajuster lui-même l’orientation ou l’ouverture des panneaux. Nos travaux de modélisation portent aussi sur le pilotage agroclimatique pour déterminer les moments clés du développement des cultures où il faut privilégier l’ouverture. Cela peut réduire légèrement la production électrique, mais améliore la qualité de la récolte. L’enjeu est de trouver le bon compromis grâce aux données.
Le programme expérimental est prévu jusqu’en 2031. Quelles seront les prochaines étapes, tant sur le plan technique que sur celui des cultures testées ?
Frédéric Imbert : L’an prochain, deux nouveaux démonstrateurs seront installés en Charente et en Charente-Maritime, pour tester les cultures de Nouvelle-Aquitaine. L’un des dispositifs sera équipé d’un système d’irrigation, afin d’évaluer précisément les gains en eau et l’impact sur le rendement sous canopée.
L’an prochain, deux nouveaux démonstrateurs seront installés en Charente et en Charente-Maritime, pour tester les cultures de Nouvelle-Aquitaine.
L’objectif est de couvrir un large éventail de cultures et de fournir des références fiables aux modélisateurs. Ces systèmes restent très innovants et peu documentés : multiplier les démonstrateurs permet d’adapter les essais aux pratiques locales et d’observer le comportement des cultures dans différents contextes climatiques.