Agroécologie

Carole Ly, Inao : « Notre mission : préserver terroir et savoir-faire face aux défis climatiques »


Face au changement climatique, les filières sous signe de qualité ne sont pas toutes touchées de la même manière. Si certaines régions viticoles profitent de températures plus clémentes pour améliorer la qualité de leurs vins, les rendements baissent et les événements climatiques extrêmes se multiplient. Côté élevage, l’alimentation des animaux est fragilisée par la sécheresse. Dans ce contexte, l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) accompagne les producteurs pour adapter cépages, pratiques et cahiers des charges, tout en veillant à préserver l’identité et l’histoire des AOP et IGP. Rencontre avec sa directrice, Carole Ly.

Carole Ly, Inao : « Notre mission : préserver terroir et savoir-faire face aux défis climatiques »
Carole Ly, Inao : « Notre mission : préserver terroir et savoir-faire face aux défis climatiques »

Quels impacts du changement climatique observez-vous déjà dans les filières sous signe de qualité, en termes de rendements, de qualité des produits ou de maintien des terroirs ?

Paradoxalement, les impacts liés au changement climatique ne sont pas tous négatifs. Par exemple, il est plus facile de faire du bon vin aujourd’hui qu’autrefois, grâce à l’augmentation des températures, surtout en Bourgogne et en région Centre Val de Loire. Les pratiques viticoles sont très liées aux spécificités régionales et les effets du climat diffèrent sensiblement entre le Nord et le Sud de la France. Les dates des vendanges avancent d’année en année, on a presque gagné un mois complet, mais les rendements baissent. Si autrefois on avait une mauvaise année pour quatre correctes, aujourd’hui nous sommes plus souvent sur l‘inverse, avec une bonne année pour quatre mauvaises.

Côté élevage, c’est l’alimentation qui est impactée. On remarque que les animaux sortent plus tôt dans la saison, mais il y a un risque chaque année que les prairies grillent, comme en 2022. Dans ces cas-là, les éleveurs qui n’avaient plus de réserves de foin ont obtenu des dérogations au cahier des charges.

Le vrai problème, en plus de l’élévation globale des températures, c’est la récurrence des évènements violents, comme la grêle ou le gel qui sont de plus en plus fréquents. Le rapport au temps change, il devient nécessaire de s’adapter plus vite.

Comment l’INAO accompagne-t-il concrètement les producteurs dans l’introduction de variétés ou de pratiques plus adaptées à la sécheresse et à la chaleur, sans perdre l’identité des AOP et IGP ?

Le but du cahier des charges d’un produit d’appellation protégée, c’est de respecter l’identité du produit, son terroir, son histoire et le savoir-faire de ceux qui le fabriquent. Rien n’empêche de les faire évoluer point par point pour s’adapter aux enjeux contemporains. C’est une approche globale, économique, environnementale et de société, il s’agit de trouver un équilibre. Depuis cinq ans, on peut tester des choses, à l’échelle de l’exploitation pour les élevages, ou sur une partie des parcelles de vignes. Si les vignes sont trop touchées par les évolutions du climat ou des maladies, les exploitants auront le choix entre déplacer les vignobles ou s’adapter pour rester. Grâce aux travaux de l’INAO, on étudie les voies d’adaptation et d’innovation technique : on teste de nouveaux cépages issus d’espèces méditerranéennes ou ibériques ou la réintroduction d’espèces autochtones plus résilientes, différentes techniques de taille, une autre gestion de l’eau. Même les méthodes de production peuvent être expérimentées, comme ça a été le cas pour le Cognac, qui essaie de modifier ses techniques de chauffe pour diminuer son empreinte carbone en trouvant des alternatives à la distillation sur feu nu. Les produits issus de ces tests sont soigneusement évalués avant leur mise sur le marché.

A vos yeux, quels leviers d’adaptation sont aujourd’hui les plus prometteurs pour concilier tradition, compétitivité et résilience climatique ?

On observe une augmentation d’environ 7 % par an des demandes de modification des cahiers des charges et cette tendance s’accélère clairement sur les dernières années, à cause du changement climatique.

Il faut que l’on puisse trouver les bons leviers pour s’adapter. En vigne, ce sont des innovations techniques, mais on peut également parler de conception des bâtiments, notamment l’aération des bâtiments d’élevage, de l’adaptation des cultures, avec des semis plus précoces sur les prairies temporaires ou des races sélectionnées pour leur tolérance à la chaleur. Outre les assurances financières, des outils comme les volumes complémentaires individuels permettent de stocker une partie des récoltes abondantes pour compenser les années plus difficiles et contribuent ainsi à assurer la pérennité des exploitations, face aux aléas climatiques qui sont de plus en plus forts.