Agroécologie

Une charte sur l’eau construite avec les OS, transformateurs et la grande distribution, en Charente


Les organismes stockeurs (OS) de Charente et Charente-Maritime, en partenariat avec la Coopérative U, l’EPTB Charente et Eau 17, ont lancé une charte « Qualité de l’eau » afin de produire des céréales locales et durables. Dans ce cadre, la coopérative U a contractualisé avec Océalia pour l’achat de 400 tonnes de blé destinées à la fabrication de sa baguette locale dont le contrat de production comprendra le respect de la charte. Explications avec Lukas Germain, chargé de mission filières à l’EPTB Charente et Eau qui pilote ce projet.

Lukas Germain, chargé de mission filières à l’EPTB Charente et Eau  - © Lukas Germain
Lukas Germain, chargé de mission filières à l’EPTB Charente et Eau - © Lukas Germain

Quelle est la genèse du projet ?

Les programmes de préservation de la qualité de l’eau menés sur les aires d’alimentation de captage (AAC) ont du mal à avoir des actions durables dans le temps.

Ce projet est porté par l’Établissement Public Territorial de Bassin Charente (EPTB), Charente et Eau 17, deux syndicats de gestion de l’eau. Mon rôle est de travailler sur le développement de filières qui respectent la qualité de l’eau.

Nous sommes partis du constat que les programmes de préservation de la qualité de l’eau menés sur les aires d’alimentation de captage (AAC) ont parfois du mal à s’inscrire durablement dans le temps. Cela fait une douzaine d’années qu’ils existent, mais les actions étaient principalement centrées sur des initiatives individuelles des agriculteurs. L’idée était donc d’agir à l’échelle des filières agroalimentaires en impliquant l’ensemble des maillons de la chaîne de production, notamment les organismes stockeurs (OS), les transformateurs et la grande distribution.

Agir sur la qualité de l’eau suppose donc d’intégrer l’ensemble des maillons de la chaîne.

L’objectif est également de diversifier les sources de financement pour pérenniser les actions engagées, grâce à des dispositifs de contractualisation, de stabilisation des prix, et à une vision à long terme. Il faut comprendre que si les agriculteurs utilisent des intrants, c’est en partie en raison des contraintes liées à la qualité et au rendement. Agir sur la qualité de l’eau suppose donc d’intégrer l’ensemble des maillons de la chaîne.

Comment avez-vous procédé ?

La charte établit des liens avec la biodiversité et le carbone, même si la priorité reste la qualité de l’eau.

Le projet a démarré en mars 2024. Nous avons utilisé deux outils principaux : des ateliers collaboratifs et des enquêtes individuelles. Les ateliers ont permis de construire collectivement les bases de la charte, tandis que les entretiens individuels nous ont aidés à identifier des besoins ou des éléments stratégiques que les OS ne souhaitaient pas nécessairement partager en groupe.

Nous avons ainsi élaboré la charte en collaboration avec les OS de Charente et Charente-Maritime, qu’il s’agisse de coopératives ou de négociants. Elle concerne trois AAC : Coulonge et Saint-Hippolyte, l’Arnoult-Lucérat et Landrais. L’objectif est de reconquérir ou de préserver la qualité de l’eau grâce à des actions telles que l’installation de haies, la couverture des sols et l’optimisation des intrants. La charte établit également des liens avec d’autres enjeux comme la biodiversité et le carbone, même si la priorité reste la qualité de l’eau.

Comment est construite cette charte ?

La charte se divise en deux parties. D’abord, les prérequis : ce sont les pratiques obligatoires que l’agriculteur doit mettre en œuvre s’il signe la charte. Ces pratiques permettent d’obtenir cinq points, répartis sur des actions comme la réduction des produits phytosanitaires, principalement les herbicides, le pilotage des doses d’azote, la couverture des sols et l’augmentation des surfaces en infrastructures agroécologiques. Nous avons cherché à simplifier au maximum, en reprenant parfois des éléments de la PAC ou en alignant ces exigences avec les démarches déjà mises en place par les OS.

La deuxième partie concerne les bonnes pratiques complémentaires auxquelles ont été attribués des points en fonction de la complexité de mise en place et de l’intérêt pour la qualité de l’eau. L’agriculteur s’engage dans une démarche de progrès. Il doit mettre en place des pratiques, au choix, pour atteindre un total défini en fonction de son avancement dans la démarche : un total de trois points entre la première et la troisième année, six points entre la troisième et la sixième année, et neuf points entre la sixième et la neuvième année.

Comment la coopérative U s’est-elle impliquée dans le projet ?

Nous avions réussi à réunir tous les OS autour de la table et à jouer le rôle d’intermédiaires.

Nous avons pris contact avec le pôle production végétale de Système U. Chaque région dispose d’une baguette régionale, mais celle de la Nouvelle-Aquitaine manquait encore.

Ces baguettes régionales sont construites selon des filières comprenant un plan de progrès avec une contractualisation pluriannuelle, afin de garantir visibilité et pérennité économique. Ils recherchaient un OS capable de construire cette filière. Grâce à notre travail, nous avions réussi à réunir tous les OS autour de la table et à jouer le rôle d’intermédiaires.

En septembre 2024, Système U a contractualisé avec Océalia pour 400 tonnes de blé. Il s’agit d’un marché de petite taille, difficilement partageable entre plusieurs OS.

Créer un document qui peut se greffer sur des filières de valorisation existantes

Ce partenariat avec Système U constitue une phase de test pour la charte, qui pourra être réutilisée à l’avenir. L’objectif n’est pas de créer un nouveau label avec des audits, mais de créer un document qui peut se greffer sur des filières de valorisation existantes, en ajoutant un complément sur la qualité de l’eau.

Sur notre territoire, l’enjeu spécifique reste la qualité de l’eau. En impliquant les acteurs en aval de la chaîne, nous leur montrons qu’en valorisant ces démarches, ils reconnaissent cet enjeu et incitent les agriculteurs à respecter la charte. À titre d’exemple, CRC travaille sur des objectifs de biodiversité, en demandant à ses agriculteurs de signer des chartes avec des organismes comme la LPO ou Natura 2000. De notre côté, nous revendiquons un objectif prioritaire de qualité de l’eau.

Quelle est la suite du projet ?

Une étude de marché a été lancée en mars 2025 pour évaluer l’intérêt commercial des arguments liés à la qualité de l’eau.

Nous souhaitons développer d’autres filières de valorisation autour de cette charte. Le partenariat entre la coopérative U et Océalia est un bon point de départ, mais il reste limité en volume. Nous cherchons à impliquer des meuniers, d’autres distributeurs, et des boulangers pour qu’ils adhèrent à cette démarche. Une étude de marché a été lancée en mars 2025 pour évaluer l’intérêt commercial des arguments liés à la qualité de l’eau.

Par ailleurs, nous envisageons d’étendre cette démarche à d’autres cultures que le blé, qui représente 25 % de la surface agricole utile sur les aires d’alimentation de captage. Des projets pourraient être développés avec d’autres industriels et pour d’autres productions. Cela a tout son sens, car le levier principal pour parvenir à une réduction d’utilisation de pesticides reste la diversification de la rotation, avec l’introduction de légumineuses notamment. En massifiant cette démarche, nous pourrions avoir un impact significatif sur la qualité de l’eau.

Concepts clés et définitions : #Coopératives , #Produits phytosanitaires , #Biodiversité