« La matière organique est précieuse, ne la gaspillons pas pour en faire du méthane » Éric Giovale, Unifa
Pour Éric Giovale, directeur d’OvinAlp et président de la section des producteurs de fertilisants organiques et organo-minéraux de l’Unifa, la matière organique est au cœur des équilibres agricoles. Face à la concurrence entre usages énergétiques et agronomiques, il plaide pour une hiérarchie des priorités et une fertilisation raisonnée, fondée sur la complémentarité entre organique, minéral et biostimulants.

Quels sont les principaux enjeux autour des engrais organiques et organo-minéraux ?
Les enjeux sont assez simples : on est en train de se disputer la matière organique, entre la restauration des sols et la production d’énergie. Il faut que l’on fasse des choix, que l’on établisse une priorité des usages. Si l’on dispose d’une matière première riche en carbone, de bonne qualité, traçable, sans microplastiques, à haute valeur agronomique, il ne faut pas la gaspiller pour en faire du méthane. Les fabricants d’organiques et d’organo-minéraux élaborés produisent des matières à partir de matières d’origine organique issues le plus souvent de coproduits de l’agroalimentaire et de l’agriculture. Et nous, nous produisons des matières organiques élaborées, à partir de fumiers, fientes de volailles, pailles, tourteaux, farines animales… mixées, transformées et en quelque sorte prédigérées pour avoir une qualité optimale pour la santé des sols et la nutrition des plantes. Ainsi elles seront ensuite plus faciles à absorber pour le sol, le microbiote aura moins de difficultés à l’assimiler et à en extraire les nutriments. Cela permet ensuite de produire mieux, en plus grande quantité et de façon sécuritaire.
La distribution doit se réinvestir sur le terrain, bien accompagner les agriculteurs et se focaliser sur l’intérêt agronomique, à long terme.
Comment réussir à parler d’investissement à long terme lorsque la période est difficile ?
Cela demande un changement de méthode. Les agriculteurs ont des problèmes de revenus, ils sont tributaires du temps, de la météo, du changement climatique et des décisions géopolitiques qui impactent leurs intrants et la vente de leurs productions. Je comprends ceux qui veulent aller vite, produire plus, mais ça ne doit pas se faire au détriment des générations futures. Il faut créer des référentiels, des itinéraires techniques, un suivi. La distribution doit se réinvestir sur le terrain, bien accompagner les agriculteurs et se focaliser sur l’intérêt agronomique, à long terme. Un sol en bonne santé, c’est un piège pour le carbone, un sol qui contient de la matière organique, des nutriments, qui a de bonnes capacités de rétention d’eau, demande moins de dépenses ensuite pour continuer à produire durablement.
A l’Unifa nous préconisons l’association des différentes fertilisations afin d’améliorer autant la performance des exploitations que la protection de l’environnement. L’important n’est pas combien ça coûte, mais combien ça rapporte à long terme !
Il semble tout de même y avoir une tendance de fond à revenir vers les engrais organiques. Quelles sont les perspectives pour ce mode de fertilisation ?
Les matières organiques sont utilisées depuis des millénaires et à mon avis, si elles reviennent au goût du jour, c’est parce que les outils scientifiques de mesures à notre disposition sont infiniment plus précis. Sans les opposer, toutes les matières organiques ne répondent pas aux mêmes problématiques. Un sol fertile est un sol en bonne santé physique, chimique et biologique. Aujourd’hui, mieux piloter la fertilité, la santé du sol et ainsi optimiser les matières minérales qu’on lui apporte est possible. De plus, grâce à tous les outils de mesure en notre possession et aux avancées en matières de recherche et d’innovation, c’est mesurable. Cela fait longtemps que l’on a observé que le fumier frais était moins bien efficace que le fumier composté parce qu’il contient encore des graines, plus de pathogènes potentiels, parce qu’il n’est pas fermenté tout simplement, parce que le microbiote du sol doit le digérer pour le transformer en énergie pour les plantes.
Notre but : améliorer le fonctionnement des sols, leur rendre leurs fonctions de puit à carbone et ainsi améliorer la nutrition des plantes tout en préservant l’environnement.
C’est pour cela que les composts élaborés et les engrais organiques élaborés ont été créés, parce que les produits que nous réalisons sont enrichis en nutriments, concentrés en matières organiques et en biodiversité. Nous allons même plus loin, je vais parler de ce que je connais le mieux, dans notre principe actif OV, chez OvinAlp, nous avons identifié plus de 600 espèces de bactéries et de champignons bénéfiques. Ces bactéries d’intérêt agronomique sont ensuite multipliées grâce à un procédé de biofermentation solide qui permet de produire des biostimulants pour des applications au sol ou en enrobage des semences et ainsi améliorer l’assimilation des éléments nutritifs essentiels pour la nutrition de plantes comme l’azote, le phosphore, la potasse ou le fer.
Le monde du vivant est complexe, et nous travaillons avec lui. Notre but est d’améliorer le fonctionnement des sols, leur rendre leurs fonctions de puit à carbone et ainsi améliorer la nutrition des plantes tout en préservant l’environnement. On sait tous qu’il n’existe pas pas une solution miracle et que la biodiversité dans l’agriculture est primordiale, importante à préserver. C’est pourquoi à l’Unifa nous encourageons une démarche de fertilisation associée, un programme avec de la matière organique, des minéraux, des biostimulants… Pour mettre en place ces programmes de fertilisation associée efficace nous avons besoin des techniciens de la distribution et de toutes les forces en présence. Il y a énormément de savoir-faire dans l’agriculture, et ce serait dommage d’opposer la chimie et l’organique, la diversité est complémentaire pour nourrir la biodiversité. La volonté de construire un avenir durable ensemble se dessine, les outils et les produits existent et les résultats se mesurent tous les jours.