Biocontrôle : des solutions émergent contre les maladies des céréales à paille
Cet article est référencé dans notre dossier :
Dossier Biocontrôle 2025, une enquête exclusive : tendances, innovations et perspectives
Face aux attentes croissantes autour du biocontrôle pour réduire l’usage des phytosanitaires, des produits commencent à voir le jour pour gérer les maladies céréales à paille. L’innovation se poursuit, avec des recherches sur les métabolites microbiens et les micro-organismes vivants. L’enjeu reste de surmonter des défis d’efficacité et de positionnement dans les programmes de protection. Le point avec Jérôme Thibierge, ingénieur recherche et développement sur les maladies des céréales à paille chez Arvalis.

Où en est-on aujourd’hui des solutions de biocontrôle contre les maladies des céréales à paille ?
À côté du soufre, quelques solutions issues des stimulateurs de défenses naturelles (SDN) ont vu le jour.
Chez Arvalis, le biocontrôle est une préoccupation importante et de longue date, avec des recherches engagées depuis quelques dizaines d’années. Aujourd’hui, la solution de biocontrôle la plus largement utilisée sur céréales reste le soufre, un produit historique qui continue de jouer un rôle majeur. Le nombre de solutions autorisées sur céréales reste néanmoins très limité. Le marché est dominé par des produits à base de soufre, disponibles sous différentes formulations et qui ciblent principalement la septoriose, la maladie la plus importante du blé tendre.
À côté du soufre, quelques solutions issues des stimulateurs de défenses naturelles (SDN) ont vu le jour. Les premières ont été à base de laminarine, avec des produits comme Vacciplant ou Iodus (développé par Goëmar, devenu UPL aujourd’hui) homologués dès 2002. Ces produits stimulants la défense des plantes revendiquent une protection large contre plusieurs maladies. Plus récemment, en 2021, sont arrivés les phosphonates de potassium, comme le Pygmalion de De Sangosse, qui allient un effet direct sur le pathogène et une stimulation des défenses de la plante. Syngenta a suivi en introduisant, en 2023, l’Aquicine Duo, une association de soufre et de phosphonates de potassium.
En parallèle, des hydrogénocarbonates de potassium en SDN, actifs notamment contre la septoriose, les rouilles et la fusariose, existent, mais sont peu utilisés. À ces solutions, s’ajoutent aussi plusieurs chlorhydrates de chitosane, disponibles en tant que substances de base : bien qu’ils soient développés pour d’autres usages, ils peuvent être utilisés comme fongicides, en raison de leur profil de faible risque.
Qu’est-ce qui rend le biocontrôle intéressant ?
Ce caractère multi-site est précieux pour la gestion des résistances.
L’intérêt du biocontrôle tient également à la diversité de ses modes d’action, qui sont souvent différents, et parfois mal connus, de ceux des fongicides de synthèse classiques. Contrairement aux molécules ciblées de synthèse, le soufre, par exemple, qui agit selon plusieurs modes d’actions : il agit de manière multi-site, en inhibant la germination et le développement des pathogènes à plusieurs niveaux. Ce caractère multi-site est précieux pour la gestion des résistances, car aucun cas de résistance au soufre n’a été observé à ce jour. Les stimulateurs de défense des plantes fonctionnent selon le même principe : en activant de nouveaux mécanismes physiologiques dans la plante, ils échappent aux phénomènes classiques de résistance. De manière générale, le biocontrôle vient donc apporter de nouveaux modes d’action, qui complètent efficacement les solutions chimiques existantes.
Comment ces produits sont-ils positionnés dans les programmes de traitement ?
Aujourd’hui, les solutions de biocontrôle sont principalement positionnées sur le T1, la première intervention fongicide sur céréales. Ce positionnement est pertinent, car il cible des pressions de septoriose faibles à modérées, détectées précocement.
En revanche, pour le T2, qui vise à protéger les deux dernières feuilles encore saines, les solutions chimiques de synthèse restent privilégiées. En effet, elles apportent la curativité si nécessaire en cas d’infection déjà installée, ce que ne permettent pas les produits de contact comme le soufre.
Concernant la systémie, si le soufre n’en dispose pas, les phosphonates de potassium, hydrogénocarbonates ou chitosanes stimulent les défenses de la plante par systémie ascendante et descendante de manière à assurer une forme de protection plus durable.
Quelles sont les innovations à venir en biocontrôle sur céréales à paille ?
Des essais portent notamment sur des métabolites microbiens obtenus par culture de bactéries ou d’autres micro-organismes.
Beaucoup de recherches sont en cours. Chez Arvalis, plus de 80 substances différentes ont été travaillées au fil des années, explorant diverses origines : extraits végétaux, métabolites, microbiens ou micro-organismes vivants.
Des essais portent notamment sur des métabolites microbiens obtenus par culture de bactéries ou d’autres micro-organismes. Ces métabolites peuvent être des molécules simples purifiées et bien caractérisées, ou des mélanges complexes issus des processus microbiens. Aujourd’hui, il n’existe pas encore sur le marché de telles solutions spécifiquement adaptées aux céréales à paille.
Un autre axe de recherche porte sur les micro-organismes vivants, utilisés comme inoculums, capables de s’installer dans leur niche écologique et d’y exercer leur action antagoniste contre les pathogènes. Ces micro-organismes agissent soit par compétition pour l’espace et les nutriments, soit par production de substances antibiotiques inhibant la germination des spores ou la croissance fongique.
Quelques inoculums sont proposés en tant que biostimulants, mais sans pouvoir revendiquer d’efficacité fongicide tant qu’ils ne sont pas homologués comme produits phytopharmaceutiques.
Ces innovations ciblent principalement la septoriose, parfois les rouilles ou plus rarement les fusarioses des blés ; les maladies des orges sont encore peu ciblées par les porteurs de projets. Cependant, même si les résultats in vitro en laboratoire ou in planta sous serre sont souvent très encourageants, le passage au champ reste une étape difficile. Dans un environnement ouvert, la variabilité des interactions biologiques, la concurrence entre micro-organismes et la nécessité pour l’agent de biocontrôle de s’installer durablement compliquent fortement l’obtention d’une efficacité régulière. La connaissance des modes d’actions, le plus souvent différents des produits conventionnels, lorsqu’elle est disponible, constitue un atout précieux pour accélérer le positionnement de ces produits. Mais il faudra encore quelques années avant que les produits prometteurs actuellement en développement franchissent toutes les étapes réglementaires, obtiennent leur autorisation de mise sur le marché, et soient disponibles pour les agriculteurs.
Quels sont les défis à relever pour intégrer ces solutions en pratique ?
Pour que les solutions de biocontrôle expriment tout leur potentiel, il sera important de continuer à travailler sur leur formulation.
Pour que les solutions de biocontrôle expriment tout leur potentiel, il sera important de continuer à travailler sur leur formulation. Parfois, les premières versions proposées en essais de ces produits ne sont pas encore parfaitement formulées. Un travail complémentaire doit être poursuivi pour que les actifs de biocontrôle expriment encore davantage leur potentiel d’efficacité au champ : il faut aussi réfléchir au bon positionnement dans les programmes phytosanitaires pour optimiser leur efficacité et satisfaire les besoins de protection des agriculteurs. Enfin, il est important de rappeler qu’aucune solution, qu’elle soit chimique ou de biocontrôle, n’a aujourd’hui une persistance d’action suffisante pour couvrir l’intégralité du cycle cultural. L’avenir repose donc également sur des combinaisons raisonnées de solutions chimiques et de biocontrôle, chacune jouant son rôle aux moments clés de la protection.
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