Agroécologie

Cuivre en agriculture : les filières bio, premières touchées par une éventuelle restriction


Dans son rapport du 16 juillet 2025 sur les impacts socio-économiques d’une limitation ou d’un retrait du cuivre en agriculture, l’Anses souligne une forte asymétrie de dépendance entre systèmes bio et conventionnels. L’agence pointe des effets en cascade sur les exploitations, les filières et les territoires, tout en ouvrant des pistes de réflexion sur les alternatives, leur viabilité technique et leur acceptabilité. Paul Lallier, journaliste chez News Tank décrypte les scénarios envisagés par l’agence et leurs impacts potentiels sur les filières.

Cuivre en agriculture : les filières bio, premières touchées par une éventuelle restriction
Cuivre en agriculture : les filières bio, premières touchées par une éventuelle restriction

Des conséquences organisationnelles sur toute la chaîne de valeur

La substitution du cuivre pourrait entraîner des pertes de revenu pour les agriculteurs, mais aussi des impacts plus larges sur les transformateurs, distributeurs et exportateurs. Les pertes de rendement (quantité, qualité) pourraient compliquer le respect des cahiers des charges, fragiliser la compétitivité à l’international et favoriser des phénomènes de déconversion du bio ou de délocalisation des productions.

L’Anses alerte : ces déséquilibres pourraient aggraver les crises déjà à l’œuvre dans certaines filières sensibles, en particulier viticoles, arboricoles ou en cultures spécialisées bio.

Des alternatives techniquement possibles mais encore peu stabilisées

Sur le plan agronomique, les itinéraires intégrant des alternatives au cuivre restent complexes. Leur efficacité dépend fortement de l’environnement local (biotique, climatique, pédologique), ce qui rend leur soutenabilité difficile à anticiper.

La faible adoption des variétés résistantes ou du biocontrôle dans certaines cultures s’explique par un manque de visibilité technique, des résultats encore hétérogènes, ou une adaptation incomplète aux attentes des filières. Le changement climatique et la mondialisation accentuent cette incertitude.

Un impact sanitaire ambigu

Réduire l’usage du cuivre, classé toxique pour l’homme, pourrait améliorer la sécurité sanitaire. Mais certaines alternatives ne sont pas sans risques, voire présentent elles aussi une toxicité aiguë. De plus, la généralisation de solutions moins efficaces pourrait impliquer des passages plus fréquents ou une main-d’œuvre accrue, alourdissant la charge de travail des producteurs, avec d’éventuelles conséquences indirectes sur la santé.

Des bénéfices environnementaux attendus… mais pas systématiques

La plupart des alternatives non synthétiques (variétés résistantes, prophylaxie, biocontrôle) présentent un profil environnemental favorable et contribueraient à limiter l’accumulation de cuivre dans les sols et les eaux.

Mais l’usage accru de certaines substances de synthèse en agriculture conventionnelle pourrait neutraliser ou inverser ces bénéfices environnementaux. L’Anses rappelle que le cuivre, bien que problématique, est parfois utilisé en remplacement de substances actives encore plus écotoxiques.

Recommandations : mieux évaluer, mieux accompagner, mieux cibler l’innovation

Approfondir les données et les méthodes d’évaluation

L’agence propose d’élargir l’analyse des scénarios zéro cuivre à des dimensions plus complexes (acceptabilité, performance à long terme, durabilité économique), en impliquant l’ensemble des parties prenantes.

Elle recommande de structurer l’accès aux données existantes (efficacité des produits, coût, pression sanitaire), de produire de nouvelles données terrain sur les combinaisons d’alternatives et de renforcer les réseaux de surveillance (résistances, efficacité, adaptation).

Soutenir la transition par des politiques publiques ciblées

L’Anses invite à orienter les financements vers les solutions réellement efficaces et soutenables, et à accompagner les agriculteurs avec des aides spécifiques (investissements, formation, appui technico-économique).

Elle encourage aussi à :

  • adapter les cahiers des charges pour intégrer les nouvelles réalités techniques ;

  • informer les consommateurs pour renforcer l’acceptabilité des surcoûts liés à la transition ;

  • mettre en place des dispositifs de partage du risque (assurance récolte, contrats pluriannuels) ;

  • éviter les distorsions de concurrence entre pays européens aux réglementations différentes.

Intensifier la recherche sur les approches systémiques

L’Anses appelle à maintenir l’effort en R&D sur les variétés résistantes, le biocontrôle, les OAD, et à développer des modèles prédictifs intégrant les effets du changement climatique sur la durabilité des systèmes.

Elle insiste aussi sur la dimension territoriale de la transition, en soutenant les dynamiques collectives locales et les projets européens comparatifs.

Une transition sous conditions, à piloter filière par filière

Si l’abandon du cuivre reste un objectif de long terme souhaitable pour des raisons environnementales et sanitaires, l’Anses rappelle qu’il ne peut s’envisager sans une stratégie claire, différenciée selon les cultures, et étayée par des moyens concrets. Pour les technico-commerciaux, la réussite de cette transition reposera sur leur capacité à co-construire des itinéraires techniques réalistes, à valoriser les innovations fiables, et à soutenir les producteurs dans une logique d’accompagnement sur mesure.

Concepts clés et définitions : #Cuivre