CRISPR, NGT : la nouvelle révolution variétale à portée de réglementation
Un accord a été trouvé par les députés européens, ce jeudi 4 décembre 2025, concernant l’édition génomique. Cette technologie, appelée CRISPR-Cas9 pourrait transformer la création variétale en Europe : résistances renforcées, adaptation au changement climatique, qualité optimisée. Mais tant que le futur règlement européen sur les « nouvelles techniques génomiques » (NTG, NGT en anglais) n’est pas définitivement adopté, ces plantes restent juridiquement des OGM. Un verrou réglementaire qui conditionne l’avenir de l’innovation.
CRISPR-Cas9, un outil taillé pour accélérer l’innovation variétale
Les « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9 permettent de modifier un ou quelques nucléotides dans une variété élite sans longs rétrocroisements. Là où les anciennes technologies (ZFN, TALEN) demeuraient lourdes et coûteuses, CRISPR repose sur une enzyme unique associée à des guides faciles à reprogrammer. Résultat : une sélection plus rapide, plus précise et accessible à de nouveaux acteurs, y compris dans des espèces peu travaillées jusqu’à présent.
Cette capacité d’intervention ciblée ouvre la voie à des résistances renforcées contre champignons, virus, bactéries ou nématodes, à l’amélioration du rendement ou de l’efficience de l’azote, comme à une meilleure tolérance aux stress hydriques ou thermiques. Grâce au multiplexing, plusieurs éditions peuvent être combinées dans une même lignée, rendant réaliste la création de variétés « multi-résistantes » en quelques années.
Un potentiel agronomique majeur… sous statut OGM
Aujourd’hui, en Europe, une plante éditée par CRISPR-Cas9 est juridiquement considérée comme un OGM, conformément à la directive 2001/18/CE et à l’arrêt de la CJUE de 2018. Cela implique évaluation complète des risques, autorisation préalable, traçabilité et étiquetage. La France applique strictement ce cadre, citant explicitement CRISPR-Cas9 comme technique conduisant à des OGM soumis à la réglementation.
Ce régime, pensé pour les transgénèses, freine de facto l’innovation variétale issue de l’édition génomique, pourtant dépourvue d’ADN étranger dans de nombreux cas.
Vers un nouveau cadre NGT : un virage encore en négociation
Pour répondre à ces limites, la Commission européenne a proposé en 2023/2024 un règlement spécifique sur les NGT. Le cœur du projet : distinguer deux catégories.
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NGT 1 : plantes éditées jugées « équivalentes » à la sélection conventionnelle. Elles sortiraient du régime OGM classique, tout en restant encadrées.
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NGT 2 : plantes non équivalentes, qui resteraient sous statut OGM, avec quelques allègements.
Le Parlement européen soutient cette approche tout en demandant davantage de transparence. En France, le rapport d’information de l’Assemblée nationale (juin 2025) appuie clairement un cadre différencié, tout en défendant des garanties en matière d’évaluation des risques, d’information des agriculteurs et de coexistence avec le bio.
Dans la nuit du 3 au 4 décembre, les députés ont trouvé un accord, mais tant qu’ils ne l’ont pas formellement approuvé, le droit applicable reste celui des OGM.
Une innovation clé pour la compétitivité européenne
CRISPR-Cas9 promet une amélioration rapide des variétés face aux défis climatiques et sanitaires, un accès élargi à l’innovation et une réduction des coûts de sélection. Son acceptabilité, potentiellement meilleure que celle des OGM transgéniques, dépendra toutefois d’outils de traçabilité fiables, de règles claires et d’une gouvernance transparente.
Pour les filières, l’enjeu est stratégique : l’Europe saura-t-elle adapter suffisamment vite son cadre réglementaire pour rester dans la course mondiale de l’innovation variétale ?