2050 : la France face à une crise de l’eau sans précédent
Une nouvelle étude du Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan révèle que la France métropolitaine sera confrontée à des tensions hydriques sévères d’ici à 2050, en particulier dans le sud et l’ouest du pays. Sans transformation radicale de nos usages, jusqu’à 88 % du territoire pourrait connaître des restrictions d’eau chaque été.

Ce que nous avons vécu en 2022, une sécheresse jugée exceptionnelle, pourrait devenir la norme en 2050. Une projection saisissante publiée par le Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan brosse un tableau alarmant de la ressource en eau sur quarante bassins versants français.
Un stress hydrique généralisé, pas uniquement en été
« Selon les modélisations croisées des prélèvements, des consommations et des débits disponibles, 88 % du territoire hexagonal pourraient être en tension hydrique modérée ou sévère en été, dès 2050 », annonce Clément Beaune, Haut commissaire à la stratégie et au plan. Mais le plus préoccupant, c’est que ces tensions s’étendraient aussi aux mois d’hiver. Le changement climatique, en réduisant les précipitations et en modifiant les régimes hydrologiques, expose les écosystèmes à un stress chronique et durable.
Même les années marquées par une saison printemps-été humide ne suffiraient plus à soulager certaines régions : dans le Sud-Ouest et le Sud-Est, les besoins environnementaux ne seraient pas satisfaits pendant plusieurs mois consécutifs.
L’irrigation agricole, futur premier poste de consommation
En 2020, la production d’énergie représentait encore la moitié des prélèvements d’eau en France. Mais en 2050, c’est l’agriculture irriguée qui deviendra le premier secteur préleveur. Et surtout le principal consommateur : contrairement à l’eau de refroidissement des centrales, l’eau d’irrigation est en grande partie évapotranspirée et non restituée.
Le manque d’anticipation peut conduire à des mesures brutales et tardives.
Certaines régions, comme l’Adour-Garonne, pourraient connaître des pics de consommation critique, notamment en juillet, avec des tensions cumulées en prélèvements et en consommations. Une situation qui appelle à une profonde réorganisation des usages, en particulier dans les zones agricoles fortement irriguées.
« Nous avons étudié le potentiel de stockage de l’eau sur la réduction des pics en cas de crise, explique Hélène Arambourou : même en multipliant par 10, c’est à dire en passant de 20 Millions de litres stockés comme en 2020, à 200 millions de litres en 2050, nous n’arrivons qu’à satisfaire 7 % de la demande. On pourrait couvrir un département de réserves, cela ne suffirait toujours pas pour la saison sèche. »
Trois scénarios, un seul qui change vraiment la donne
France Stratégie a étudié trois trajectoires possibles :
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Tendancielle, où rien ne change ;
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Politiques publiques, intégrant les plans actuels, dont la modernisation du parc nucléaire ;
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Rupture, où la société s’engage massivement dans la sobriété, énergétique et hydrique
Même en cas de rupture et une plus grande sobriété sur tous les plans, il y aura au moins un mois de tension chaque année en 2050.
Seul ce dernier permet d’inverser la tendance : il limiterait les tensions hydriques à 64 % du territoire en été contre 88 % dans le scénario tendanciel, et permettrait une amélioration dans un quart des bassins versants. Il repose sur des mesures ambitieuses : baisse drastique de l’irrigation, transformation des pratiques agricoles dont la réduction des élevages, réduction de moitié des consommations d’eau domestiques et division par cinq de la consommation d’eau pour la production d’énergie (avec une diminution de 80 % de la production nucléaire).