Agrotendances

Biocontrôle : les freins persistent, les leviers se précisent

Cet article est référencé dans notre dossier :
Dossier Biocontrôle 2025, une enquête exclusive : tendances, innovations et perspectives


Malgré une volonté affirmée d’accélérer la transition vers des solutions plus durables, le développement du biocontrôle reste freiné par des contraintes réglementaires, économiques et techniques. Les acteurs de la filière identifient des leviers concrets pour améliorer l’adoption de ces outils dans les pratiques agricoles.

Biocontrôle : les freins persistent, les leviers se précisent
Biocontrôle : les freins persistent, les leviers se précisent

Le consensus est net chez les fournisseurs de produits de biocontrôle : le cadre réglementaire actuel, régi par le règlement 1107/2009/CE, est inadapté. Agriodor résume la situation : « Les délais d’évaluation par les autorités […] ne sont pas respectés », et « aucune définition du biocontrôle n’est incluse dans le règlement », entraînant « des interprétations différentes au sein de l’UE ». L’entreprise déplore aussi des exigences inadaptées pour certains produits (hors micro-organismes), comme « des tests d’écotoxicité aquatique […] demandés pour des substances extrêmement volatiles et non solubles dans l’eau ».

Même constat chez FMC, qui pointe un « process d’homologation européen en inadéquation avec les ambitions affichées » et des délais équivalents à ceux des solutions de synthèse. De nombreux professionnels du secteur dénoncent à leur tour des « délais d’homologation trop longs », « la complexité et la longueur des procédures », malgré les progrès déjà engagés.

Une transition freinée par des verrous techniques et culturels

Outre les freins réglementaires, les fournisseurs soulignent d’autres difficultés structurelles. Le coût, la complexité d’utilisation et la variabilité d’efficacité selon les conditions pédoclimatiques sont largement évoqués par Sipcam France, Lallemand Plantcare ou encore Bioline AgroSciences. « L’opposition systématique […] des solutions de biocontrôle et de la chimie classique » est également dénoncée, de même que le manque de formation. C’est un des leviers évoqués pour viser une meilleure efficacité, afin d’atteindre selon Bayer « une optimisation des connaissances de la plante, du sol, du climat ».

Des solutions existent, à condition de repenser les systèmes

Face à ces blocages, les propositions sont nombreuses, mais il va falloir jouer collectif et mobiliser l’ensemble des acteurs. Pour BASF, il faudra surtout « accélérer les homologations », « favoriser les dossiers CEPP », et pourquoi pas inciter les agriculteurs en « mettant en place des primes pour ceux qui prennent le risque d’utiliser des produits de biocontrôle ». L’entreprise insiste aussi sur la « montée en compétences » des distributeurs et la nécessité de « changer de mindset » en adoptant une approche intégrée. Chez Amoéba, on va plus loin en souhaitant un soutien financier des agriculteurs jusqu’en 2030 « sous forme de crédit d’impôts ou d’une réduction du prix de la RPD liée à la part de biocontrôle dans le budget protection des cultures ». Koppert France se satisfait que les consommateurs comme les agriculteurs soient de mieux en mieux informés et appelle à trouver des alternatives.

« L’impact positif des solutions de biocontrôle […] sera démontré avec l’évolution des pratiques culturales et des modèles économiques afin de garantir la profitabilité ». Green Impulse

Une vision partagée par Bayer, qui appelle à « insérer [le biocontrôle] dans une combinaison de solutions (semences, digital, produits conventionnels) » et à raisonner « au niveau du système de culture ». D’autres évoquent aussi la pertinence d’approches combinatoires, intégrées à l’agronomie et aux pratiques culturales.

Pour Lallemand Plantcare, l’efficacité passe par un bon « pilotage du risque », « le choix des variétés », une « application préventive » et un accompagnement technique rigoureux. « Le biocontrôle ça marche ! », se réjouit Andermatt, grâce à la volonté et au soutien des acteurs de la filière, mais il reste encore à convaincre. Green Impulse résume l’enjeu ainsi : « L’impact positif des solutions de biocontrôle […] sera démontré avec l’évolution des pratiques culturales et des modèles économiques afin de garantir la profitabilité ».

Une dynamique à entretenir collectivement

Si les attentes sont fortes, les initiatives engagées encouragent l’optimisme. Comme le souligne M2i Group, « la convergence des attentes et des efforts conjugués des législateurs, des agriculteurs, des transformateurs, des consommateurs, des acteurs de l’agri-business » permet d’envisager « avec confiance » les prochaines étapes. Et CBC Biogard SAS appelle à « ne pas renoncer aux progrès déjà accomplis » et à « continuer à conjuguer les efforts de recherche et d’innovation, de simplification et d’accélération des homologations ». Le message est clair : le biocontrôle ne pourra avancer que par l’action coordonnée de l’ensemble de la filière.