Sylvain Guedou, RAGT : « La génétique et l’agronomie restent au cœur de la réponse. »
Face au changement climatique et au retrait progressif des solutions phytosanitaires, le semencier RAGT mise sur l’innovation génétique, les nouvelles technologies, les pratiques agronomiques et le dialogue avec les agriculteurs pour sécuriser les rendements et viser la première place à l’horizon 2035. Rencontre avec Sylvain Guédou, directeur du territoire France RAGT Semences.
Vous ambitionnez de devenir le semencier n° 1 en génétique chez les agriculteurs à horizon 2035. Quelles ruptures technologiques ou agronomiques anticipez-vous pour atteindre cet objectif ?
En effet, pour atteindre notre ambition de devenir le semencier n° 1 en génétique chez les agriculteurs à horizon 2035, nous développons une approche intégrée qui combine sélection variétale stable dans le temps et capable de s’adapter aux aléas climatiques, pratiques agronomiques innovantes et technologies de précision. Nous développons des solutions agroécologiques telles que le biocontrôle, la biostimulation, les couverts multi-services ou encore la diversification des rotations. Ces pratiques permettent de réduire l’usage d’intrants tout en maintenant, voir en améliorant la productivité des agriculteurs. Nous développons des outils numériques basés pour certains sur l’IA permettant d’accompagner les agriculteurs dans leur décisions techniques. Ces outils d’aide à la décision, associés à un suivi personnalisé ouvrent la voie à des systèmes de culture plus performants, durables et rentables. Notre démarche place également la réduction de l’empreinte carbone au cœur de nos priorités en développant des solutions respectueuses des ressources naturelles.
En quoi la recherche sur la betterave sucrière peut-elle inspirer ou irriguer d’autres espèces de votre portefeuille (céréales, sorgho, couverts) ?
En France Nous avons quatre équipes commerciales qui travaillent en parallèle, avec plus de 40 espèces dans notre portefeuille. Il y a des liens dans les approches sur la tolérance aux stress hydriques ou à la résistance aux maladies ou aux ravageurs. La complémentarité et la multiplication des ressources permet d’être plus performant et différenciant. Par exemple, les avancées de la tolérance de nos betteraves à la jaunisse d’un côté et les avancées de la tolérance aux viroses en Blé tendre sont complémentaires dans la compréhension et peuvent nous faire progresser.
Le concept « Stressless dry » ouvre la voie à une meilleure tolérance aux aléas climatiques. Quelle est la maturité de cette innovation et quand les planteurs pourront-ils bénéficier de variétés labellisées sous ce concept ?
Nous avons lancé ce label en 2020 avec nos équipes R&D sur le maïs, et les résultats sont très positifs puisqu’il répond pleinement aux attentes des agriculteurs. Cette démarche garantit à nos variétés une performance à la fois en conditions sèches et en situations plus humides. Sur la betterave, un fond génétique présentant ces mêmes atouts existe également. Nous en sommes actuellement au stade expérimental, avec la collecte de données nécessaires à la recherche et au développement, afin de pouvoir prochainement labelliser les variétés candidates de cette espèce.
Le génotypage est mis en avant comme axe majeur. Quel avantage compétitif cette méthode apportera-t-elle dans l’offre variétale et en quoi cela peut-il devenir un argument commercial différenciant ?
La méthode de génotypage ne constitue pas en elle-même un avantage concurrentiel car la majorité des semenciers la pratique. En revanche notre approche de tolérance multi-génique nous différencie par rapport à certains concurrents. En tournesol par exemple, le GeneCare Mildiou module l’agressivité et le contournement du champignon sur les récoltes. Pour les betteraves, nous avons développé également une approche de ce type et devons consolider nos offres de façon durable face à la jaunisse mais aussi sur la cercosporiose.
Comment intégrez-vous la notion de résilience climatique dans vos critères de sélection, sans sacrifier la productivité ?
La résilience climatique, c’est supporter la sécheresse, l’excès d’eau, le gel, la chaleur mais aussi la pression accrue des insectes et maladies. Pour l’intégrer sans sacrifier la productivité, nous testons nos variétés dans des zones représentatives de ces stress, avec la présence des bioagresseurs. Nous sélectionnons celles qui maintiennent leur rendement malgré ces contraintes.
L’année 2025 a-t-elle été touchée par une forte pression jaunisse ? Selon vous, faut-il miser que la seule voie variétale permettra, à terme, de sécuriser les rendements, ou sur des complémentarités avec d’autres leviers (biocontrôle, couverts associés) ?
Au printemps 2025, une pression accrue en pucerons a été observée, sans pour autant entraîner de pertes généralisées. La génétique reste un levier majeur, son efficacité sera d’autant plus renforcée en l’associant à d’autres solutions pour faire face à la jaunisse. La disparition des néonicotinoïdes a supprimé un outil jusqu’à il y a peu incontournable, ce qui place la tolérance variétale associée à d’autres pratiques au cœur de nos stratégies.
Dans quelle mesure les attentes des planteurs face au retrait des phytosanitaires guident vos choix de recherche ? Avez-vous noté une évolution des demandes terrain depuis l’interdiction des néonicotinoïdes ?
Notre domaine, c’est le végétal, et notre rôle est d’apporter des solutions face aux aléas, en complément des démarches menées par les agriculteurs et les interprofessions. La génétique et l’agronomie restent au cœur de la réponse. Nous travaillons sur la jaunisse depuis plus de dix ans et les résultats obtenus sont encourageants, mais cela ne suffit pas encore. Remplacer les néonicotinoïdes est un défi majeur : nous devons rester humbles, car aucune alternative unique n’existe aujourd’hui. Notre objectif est clair : accompagner les agriculteurs pour qu’ils puissent travailler plus sereinement et maintenir la viabilité économique de leurs exploitations.
Cette démarche repose sur une forte interaction avec le terrain. Les retours des planteurs sont essentiels pour ajuster nos travaux et vérifier la pertinence de nos solutions. C’est dans cet esprit que nous avons créé, il y a trois ans, le Club des Semeurs RAGT, qui permet à tout agriculteur volontaire de tester nos innovations, toutes espèces confondues. C’est en associant recherche génétique, agronomie et proximité avec les planteurs que nous construirons ensemble les solutions de demain.