Cultures intermédiaires : une nouvelle source durable et française pour les carburants d’aviation
Un accord entre Avril et TotalEnergies pose les bases d’une filière française de carburants aériens durables issue de cultures intermédiaires, avec un modèle inédit qui associe innovation agricole, souveraineté protéique et transition énergétique. Objectif : produire 30 000 tonnes d’huile d’ici à 2030, sans empiéter sur les cultures alimentaires.

Une filière française à construire de l’amont à l’aval
Sous l’impulsion de l’Union européenne, qui impose dès 2025 l’incorporation de 2 % de carburants durables dans l’aviation, la France accélère la structuration de sa propre filière de SAF (sustainable aviation fuel). C’est dans ce contexte qu’Avril et TotalEnergies ont noué un partenariat pour évaluer le potentiel de cultures intermédiaires oléagineuses destinées à la production de biocarburants. Ce modèle repose sur un principe fort : ne pas mobiliser de nouvelles terres agricoles ni entrer en compétition avec les usages alimentaires.
Le projet veut concilier performance économique et durabilité, en créant une chaîne de valeur qui relie le monde agricole aux raffineries françaises.
La cameline, tête de file des cultures à vocation énergétique
Parmi les espèces testées, la cameline se distingue comme la plus prometteuse. Résistante au stress hydrique et aux bioagresseurs, peu exigeante en intrants, elle produit des graines riches en huile (360 kg/t) et en coproduits protéiques (2 t de tourteaux/t d’huile), utiles pour l’alimentation animale.
Depuis 2018, la filiale de transformation Saipol multiplie les essais agronomiques sur tout le territoire pour affiner les itinéraires techniques et identifier les rotations optimales (après orge ou pois, par exemple). D’autres espèces sont également à l’étude, dans une logique d’adaptabilité pédoclimatique et de diversification des débouchés.
Un revenu complémentaire pour les agriculteurs
Ce projet pourrait transformer en profondeur l’intérêt économique des intercultures. Là où les couverts végétaux actuels ne génèrent que des aides PAC, la cameline permettrait une récolte valorisable et un prix garanti de 600 €/t d’huile pour les agriculteurs. En cas d’aléas climatiques, une indemnisation de 100 €/ha serait versée, sécurisant ainsi l’engagement de la profession.
Cette rémunération s’ajoute aux bénéfices agronomiques connus des intercultures : amélioration de la structure du sol, réduction de l’érosion, rétention de l’eau et préservation de la biodiversité.
Un accompagnement technique à la hauteur des ambitions
Pour que les agriculteurs mènent la cameline avec autant de soin qu’une culture principale, un accompagnement technique rigoureux a été mis en place avec Arvalis et Terres Inovia. Cahiers des charges, guides pratiques pour le semis et la récolte, appui des organismes stockeurs : tout est prévu pour fiabiliser la conduite de ces cultures.
Enfin, l’évolution du cadre réglementaire apportera une reconnaissance officielle : la transposition de la directive RED, attendue pour septembre 2025, rendra ces cultures pleinement éligibles aux crédits carbone liés à la production de SAF.
Derrière cet accord entre Avril et TotalEnergies, c’est une dynamique industrielle et agricole de long terme qui se dessine. « Ce projet constitue à la fois une opportunité de création de valeur pour le monde agricole et de sécurisation de la matière première nécessaire à la production de carburants aériens durables », résume Valérie Goff, Senior Vice President Renewable Fuels & Chemicals de TotalEnergies. L’enjeu est clair : faire émerger une filière française compétitive, durable et traçable, face à des modèles plus opaques, voire frauduleux, sur le marché international.