Agroécologie

Glyphosate et OGM  : pourquoi le bruit médiatique dépasse les preuves scientifiques


Une nouvelle étude alerte sur les effets du glyphosate sur les organismes. Pourtant, bien qu’elles soient chaque fois très médiatisées, la plupart des études sur le glyphosate et les OGM présentent des biais méthodologiques majeurs qui limitent leur validité scientifique.

Glyphosate : beaucoup de doutes, peu de preuves solides - © eleonimages
Glyphosate : beaucoup de doutes, peu de preuves solides - © eleonimages

La dernière étude en date sur le glyphosate, publiée en juin 2025 par l’Institut Ramazzini, relance le débat en suggérant une augmentation de certaines tumeurs chez les rats exposés à la molécule via l’eau de boisson. Conduite sur près de 1 000 rats Sprague-Dawley, une souche naturellement sujette aux cancers, elle observe quelques cas supplémentaires de leucémies et de tumeurs hépatiques ou thyroïdiennes, notamment à la dose équivalente à la DJA européenne (0,5 mg/kg/j). Pourtant, les résultats restent fragiles : le nombre de rats malades par groupe est faible (1 à 4 individus sur 100), et certaines tumeurs malignes apparaissent paradoxalement plus fréquemment à faible dose qu’aux doses supérieures. L’absence de relation dose-effet claire, la variabilité liée à l’administration du glyphosate dans l’eau de boisson, ainsi que le manque de puissance statistique rendent les conclusions difficilement généralisables à l’humain. Cette étude soulève donc plus de questions qu’elle n’apporte de réponses, et souligne la nécessité de travaux mieux standardisés, sur des modèles animaux plus adaptés, pour éclairer réellement les effets sanitaires du glyphosate.

Difficile de trouver des preuves irréfutables

Ce n’est pas la première étude a souffrir de ces lacunes. Déjà en 2012, le biologiste Gilles-Éric Séralini publie une étude affirmant que la consommation prolongée d’OGM et de glyphosate provoque des tumeurs massives chez les rats. La presse s’en empare immédiatement, alimentée par une mise en scène calibrée : embargo strict, images choquantes d’animaux déformés, sortie simultanée d’un livre et d’un documentaire. Pourtant, sur le fond, la méthodologie fait rapidement polémique. Le protocole repose sur un petit nombre de rats (10 par groupe), une souche (Sprague-Dawley) connue pour développer spontanément des tumeurs, et un manque de clarté sur les conditions de traitement. Plusieurs agences sanitaires européennes (EFSA, BfR, ANSES) dénoncent une étude insuffisante pour conclure à un effet toxique. L’article est finalement retiré de la revue Food and Chemical Toxicology avant d’être republié ailleurs, sans modifications substantielles. Le mal est fait : dans l’opinion, l’image reste plus forte que la rigueur.

Des faiblesses méthodologiques récurrentes

L’étude Séralini n’est pas un cas isolé. Beaucoup d’études dites «  indépendantes  » souffrent de défauts similaires : échantillons trop réduits, absence de groupe témoin adapté, durée d’exposition trop courte (souvent 90 jours, contre 2 ans pour des tests réglementaires), confusion entre les effets de l’OGM et ceux du glyphosate. Le choix du modèle animal est également critique. La souche Sprague-Dawley, très utilisée, présente une incidence naturelle élevée de tumeurs, ce qui complique toute interprétation sur des effets liés au traitement. Dans ce contexte, détecter un signal biologique fiable devient très difficile. Ces biais, souvent ignorés du grand public, affaiblissent considérablement la valeur des résultats.

Quand les émotions prennent le dessus

Le succès médiatique de ces publications repose moins sur leur solidité scientifique que sur leur pouvoir émotionnel. Une image de rat tumoral ou un titre alarmiste pèsent plus qu’un tableau de résultats statistiques. Derrière, on retrouve souvent une stratégie bien huilée : embargo presse, diffusion coordonnée de documents militants, interventions télévisées. Le glyphosate devient le symbole d’un clivage : science institutionnelle contre science citoyenne, grandes firmes contre lanceurs d’alerte. Dans ce brouhaha, les nuances disparaissent, et les études robustes, longues à produire et complexes à lire, peinent à se faire entendre. Le débat se polarise, au détriment d’une approche factuelle.