Acétamipride : vers un durcissement des seuils mais pas d’interdiction immédiate
Alors que les néonicotinoïdes sont largement bannis en Europe, l’acétamipride, l’un des derniers encore autorisés, fait l’objet d’un réexamen serré. L’Efsa recommande de réduire drastiquement les seuils toxicologiques, mais ne propose pas son interdiction. En parallèle, les débats parlementaires en France rouvrent la porte à des dérogations temporaires.

Des seuils de sécurité divisés par cinq
Le 15 mai 2024, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a publié un rapport remettant en cause les seuils toxicologiques de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes. L’agence recommande d’abaisser la dose journalière admissible (DJA) et la dose de référence aiguë (ARfD) de 0,025 à 0,005 mg/kg de poids corporel. En cause : des incertitudes majeures sur les risques de neurotoxicité développementale, qui appellent, selon l’Efsa, à « une compréhension mécanistique plus solide » pour évaluer correctement les dangers.
L’agence a identifié un risque pour le consommateur sur 38 limites maximales de résidus (LMR) actuellement en vigueur dans l’Union européenne. Elle recommande donc d’abaisser ces LMR, sur la base des bonnes pratiques agricoles transmises lors d’un appel de données ad hoc. Bien que l’Efsa ne suggère pas d’interdiction pure et simple, ses conclusions pourraient conduire à une réduction significative des usages de l’acétamipride dans les cultures.
Un mandat renforcé suite à l’alerte française
Mandatée par la Commission européenne en juillet 2022, à la suite d’une alerte scientifique portée par la France, l’Efsa devait réévaluer plusieurs volets : toxicologie, résidus dans les produits végétaux, et sécurité des LMR. Ces travaux s’inscrivent dans un contexte de défiance persistante envers les néonicotinoïdes, même pour ceux qui, comme l’acétamipride, bénéficient encore d’une autorisation européenne valable jusqu’en 2033.
Depuis le 13 mai 2025, une proposition de loi destinée à assouplir les contraintes réglementaires imposées aux agriculteurs fait l’objet d’un examen parlementaire, qui se poursuit jusqu’au 20 mai. Le 14 mai, la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté 35 amendements, dont la possibilité de déroger à l’interdiction des produits contenant des néonicotinoïdes, pour une durée maximale de trois ans. Le texte prévoit aussi la création d’un comité des solutions alternatives, un soutien à la recherche (principe du Parsada), et une indemnisation des pertes économiques liées au retrait de certaines substances.
Si le rapport de l’Efsa a provoqué des réactions politiques, notamment du cabinet de la ministre déléguée Agnès Pannier-Runacher, la ligne reste prudente : « Nous souhaitons avoir des compléments sur les impacts sanitaires et environnementaux potentiels. (…) Notre boussole, c’est la science. » Le gouvernement attend une lecture claire de la Commission européenne sur les implications du rapport, avant de définir sa position.