« Faire confiance aux acteurs agricoles », Loïc Obled, directeur de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne
Le bassin Loire-Bretagne, qui concentre près de la moitié des exploitations agricoles françaises, allie diversité des productions et enjeux environnementaux majeurs. Face aux défis de la gestion de l’eau et de la transition agricole, l’Agence de l’eau Loire-Bretagne mise sur la collaboration avec les agriculteurs pour promouvoir des pratiques plus durables. Explications avec Loïc Obled, directeur de l’Agence de l’eau Loire Bretagne.

Quelle est la particularité agricole du bassin Loire-Bretagne ?
Le bassin Loire-Bretagne est incontestablement le plus agricole de tous.
Le bassin Loire-Bretagne présente des caractéristiques agricoles uniques qui le distingue des autres bassins français. Tout d’abord, il est incontestablement le plus agricole de tous, abritant près de la moitié des exploitations agricoles de France. Ce poids agricole est d’autant plus marqué que cette zone, bien qu’elle couvre 30 % de la superficie de la France métropolitaine, compte seulement 13 millions d’habitants. Cette faible densité démographique contraste avec une présence agricole extrêmement forte.
Nous retrouvons dans le bassin l’ensemble des productions agricoles de l’Hexagone : des grandes plaines céréalières de la Beauce, aux zones d’élevage en Bretagne et Pays de la Loire, en passant par les régions viticoles du Val de Loire, les élevages du Limousin, ou encore les paysages montagnards d’Auvergne. La Bretagne se distingue historiquement par sa forte concentration d’élevages et la présence d’industries agroalimentaires très dynamiques, notamment autour de l’élevage porcin.
Quels sont les enjeux agricoles de l’Agence pour les prochaines années ?
L’Agence de l’eau Loire-Bretagne a clairement fait le choix de travailler en collaboration étroite avec les agriculteurs pour faire face aux défis environnementaux actuels et à venir. L’une des premières lignes directrices de notre action est la confiance envers les acteurs agricoles. Plutôt que de dicter des règles ou de prétendre savoir ce qui est bon pour l’agriculture, notre rôle est de mettre en lumière les enjeux liés à l’eau et d’accompagner les agriculteurs dans l’adaptation de leurs pratiques. Notre objectif est de promouvoir des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement, notamment en matière de gestion de l’eau, et de favoriser la transition vers une agriculture plus durable.
L’un des enjeux majeurs auxquels nous devons répondre concerne la gestion de la ressource en eau. Avec le changement climatique et les pressions croissantes sur cette ressource, son partage devient une priorité. Dans les zones où la tension sur l’eau est forte, il est majeur d’accompagner les agriculteurs pour qu’ils adoptent des pratiques agricoles sobres en eau et respectueuses de l’environnement. L’Agence encourage la participation des agriculteurs à la gouvernance locale de l’eau et à la gestion collective des ressources.
Nous ne cherchons pas à apprendre l’agriculture aux agriculteurs.
Un deuxième axe fondamental est la qualité de l’eau. Celle-ci est largement affectée par les pratiques agricoles, en particulier par les produits phytosanitaires et les intrants, tels que les nitrates. Nous assurons une surveillance des molécules chimiques présentes dans l’eau, en particulier dans les zones sensibles telles que les aires d’alimentation des captages d’eau potable, en lien avec d’autres acteurs, dont les collectivités et les agences régionales de santé par exemple. L’objectif est d’éviter toute contamination et de trouver des solutions durables lorsque des matières indésirables sont détectées à des niveaux trop élevés. En ce sens, nous ciblons nos aides en fonction des résultats obtenus, favorisant les pratiques qui contribuent à la préservation de la qualité de l’eau.
Une autre dimension importante de notre travail concerne la gestion des eaux littorales. La pollution par les produits chimiques issus des terres agricoles, qu’elle soit liée à l’érosion ou au ruissellement, peut avoir des effets dévastateurs sur les écosystèmes marins, affectant la baignade, la pêche et la conchyliculture. Nous encourageons à prévenir cette pollution et à limiter l’impact des produits chimiques sur les milieux marins, un défi majeur dans un bassin aussi étendu, doté de la plus vaste façade littorale.
Il est important de noter que, bien que nous apportions notre expertise sur la gestion de l’eau, nous ne cherchons pas à apprendre l’agriculture aux agriculteurs. Ces derniers sont les experts de l’agronomie, et notre rôle est de les soutenir dans l’adaptation de leurs pratiques aux enjeux environnementaux.
En 2023-2024, 110 M€ ont été alloués à la conversion à l’agriculture biologique et aux mesures agroenvironnementales et climatiques. Ces fonds sont utilisés pour financer des changements de pratiques agricoles plus favorables pour l’eau et ainsi soutenir la durabilité des exploitations agricoles.
Le budget total de l’Agence pour l’accompagnement du secteur agricole est de 360 M€ sur 2025-2030 soit en moyenne de 60 M€ par an.
Quel est votre avis sur le stockage de l’eau ?
Le stockage de l’eau est une question complexe et délicate. L’Agence adopte une approche pragmatique sur ce sujet. Nous n’avons pas de position dogmatique « pour » ou « contre » le stockage, mais nous cherchons à évaluer les possibilités de cette pratique en fonction de l’offre et de la demande en eau. L’objectif est de garantir que les solutions mises en place aujourd’hui ne compromettent pas la ressource de demain.
Nous n’avons actuellement aucun dossier en cours d’instruction concernant des projets de stockage d’eau.
Le stockage peut constituer une partie de la solution, mais il doit s’accompagner d’autres stratégies telles que la sobriété dans l’utilisation de l’eau, le choix de cultures adaptées aux conditions climatiques locales, et la mise en œuvre de solutions fondées sur la nature, en particulier la protection des zones humides, qui sont le meilleur stockage… et le moins cher !
Le 12e programme de l’Agence prévoit la possibilité d’accompagner la création de retenues d’eau de substitution dans les zones où une gouvernance locale efficace est en place et où des études solides sont réalisées pour garantir leur faisabilité. Toutefois, le stockage d’eau n’est pas encore largement développé dans le bassin Loire-Bretagne, et il y a peu de projets mûrs. Nous poursuivons nos efforts pour avancer sur ces dossiers, mais nous n’avons actuellement aucun dossier en cours d’instruction concernant des projets de stockage d’eau.