Agrostratégie

Au Sival 2025, les distributeurs innovent pour surmonter la crise

Par Stéphanie Ayrault | Le | Conseil & distribution

Le Salon des productions végétales spécialisées, Sival, qui s’est tenu du 14 au 16 janvier 2025 à Angers, a accueilli près de 25 000 visiteurs, une affluence similaire à celle de 2024. Face à une météo capricieuse, une baisse des rendements, la disparition de molécules phytosanitaires et une crise viticole pesant sur les trésoreries, les exploitants des cultures spécialisées tentent de s’adapter avec l’aide de leurs distributeurs. Les distributeurs se mobilisent pour pérenniser les activités, misant sur la proximité, l’innovation et les biosolutions pour se réinventer et surmonter les obstacles.

M. Pissier, Rippert, J. Godet et C. Bizieux, CAMN, S. Bidet et L. Fonteneau, Saboc, X. Besson, LVVD - © S.Ay.
M. Pissier, Rippert, J. Godet et C. Bizieux, CAMN, S. Bidet et L. Fonteneau, Saboc, X. Besson, LVVD - © S.Ay.

Xavier Besson, responsable activité vigne chez LVVD, filiale de Terrena

« Nous allons lancer cette année la vente de robots de travail du sol »

Xavier Besson, responsable activité vigne chez LVVD - © S.Ay.
Xavier Besson, responsable activité vigne chez LVVD - © S.Ay.

« Il y a plus de monde ici qu’au Vinitech à Bordeaux, où l’ambiance était morose. Je suis rassuré : le moral est meilleur que ce que je craignais. Nous sommes clairement dans une crise viticole, ce qui se reflète dans les chiffres d’affaires et la baisse des investissements. Les plantations ont diminué de 25 %.

Le secteur de la fertilisation est également confronté à des difficultés, avec une baisse nette d’environ 15 % par rapport à 2023. La production importante de 2023 oblige les viticulteurs à écouler leurs stocks. En réaction, ils réduisent leur utilisation de fertilisants pour éviter une surproduction de vins, qui risqueraient ensuite d’être bradés.

Les biosolutions représentent environ 40 % des ventes. Il existe une véritable attente autour de ces solutions, mais les molécules classiques restent plus efficaces, notamment lors d’années marquées par une forte pression des maladies, comme celle que nous venons de traverser. Les biosolutions sont plus simples à utiliser contre l’oïdium que contre le mildiou.Nous continuons à subir des retraits de molécules phytosanitaires, comme le Pledge, un herbicide de pré-levée pour la vigne.

En parallèle, nous allons lancer cette année la vente de robots de travail du sol pour le travail du sol. Ce projet, sur lequel nous travaillons depuis sept ans, voit enfin le jour. »

Matthieu Pissier, directeur de Rippert

« Avec Auxo Agro, nous pourrons tester ces solutions dans notre propre environnement »

Matthieu Pissier, directeur de Rippert - © S.Ay.
Matthieu Pissier, directeur de Rippert - © S.Ay.

« La météo a été très complexe, et nous avons dû être particulièrement affûtés pour bien remplir notre rôle de distributeurs. Mais c’est notre métier  ! Les clients ont apprécié la proximité, un élément qui reste crucial en période de crise.

En début d’année 2024, nous avons lancé une activité vigne à Noyers-sur-Cher (Loir-et-Cher). Cette initiative s’inscrit dans une stratégie de diversification visant à pérenniser l’activité de l’entreprise.

Nous surveillons de près les biosolutions, car il faudra compenser l’absence d’autres solutions. Cela nécessitera des compétences techniques, un accompagnement adapté et une relation de proximité avec nos clients. Dans cette optique, nous avons investi en août 2023 dans une chambre froide pour stocker ces solutions. Avec notre nouvelle structure, Auxo Agro, lancée en janvier 2024 en partenariat avec Adagri, Bodin Négoce, Les Établissements Durand et Pissier, nous pourrons tester ces solutions dans notre propre environnement. »

Claude Bizieux, directeur, et Joël Godet, directeur approvisionnement à la CAMN

« Nous développons les solutions relatives à la vie du sol »

Claude Bizieux, directeur, et Joël Godet, directeur approvisionnement à la CAMN - © S.Ay.
Claude Bizieux, directeur, et Joël Godet, directeur approvisionnement à la CAMN - © S.Ay.

« En maraîchage et arboriculture, le climat est plus positif que l’année dernière. Nous constatons une affluence significative, accompagnée de projets d’investissement, tandis que les agriculteurs souhaitent laisser derrière eux une année 2024 difficile. L’optimisme est palpable, avec davantage de visibilité par rapport aux années 2022 et 2023, qui ont été marquées par de fortes inflations. De plus, le Sival a désormais une portée nationale, attirant des visiteurs, notamment du Sud-Ouest.

En ce qui concerne la viticulture, la consommation de vin présente une tendance générale à la baisse. Nous observons des aléas climatiques persistants depuis plusieurs années, avec notamment une forte pression du mildiou en 2024. Cela contribue à fragiliser certaines exploitations. Nous poursuivons notre axe historique sur tous nos métiers spécialisés, y compris dans l’équipement (irrigation et tunnel).

Nous accordons une place importante aux biosolutions, qui représentent en moyenne 46 % de notre chiffre d’affaires dans la protection des plantes sur trois ans. Cependant, nous notons un palier dans les ventes depuis 2021.

Depuis un an, nous développons davantage la partie relative à la vie du sol. Nous allons collaborer avec l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) sur des indicateurs spécifiques. Par ailleurs, nous avons adhéré, fin 2023, à l’association Adebiotech.

Après des années passées à constituer des stocks de sécurité pour gérer les délais de livraison et les ruptures de produits, nous rationalisons nos gammes et adaptons nos stocks dans ce nouveau contexte.

Enfin, nous déplorons l’arrêt de certaines capacités de production française, notamment l’usine Yara à Montoir-de-Bretagne. Cette situation diminue notre flexibilité et réactivité liées à la proximité, nous obligeant à rechercher de nouvelles offres NPK hors de France. »

Stéphane Bidet, responsable arboriculture, et Laurent Fonteneau, responsable viticulture de Saboc, filiale d’UAPL - © S.Ay.
Stéphane Bidet, responsable arboriculture, et Laurent Fonteneau, responsable viticulture de Saboc, filiale d’UAPL - © S.Ay.

Laurent Fonteneau, responsable viticulture de Saboc

« La disparition de certains phytosanitaires engendre une forte anxiété »

« La saison a été compliquée en raison de l’excès d’eau. Les aléas climatiques ont perturbé la floraison et impacté le rendement, qui a diminué de moitié par rapport à 2023. L’impact financier pour les viticulteurs est énorme et est accentué par la nécessité d’appliquer des produits phytosanitaires, avec en moyenne 7 à 10 traitements en conventionnel et 10 à 17 traitements en bio. Les trésoreries sont dans le rouge.

La situation est multifactorielle : baisse des ventes, recul de la consommation, instabilité politique et, pour couronner le tout, l’élection de Donald Trump aux États-Unis, qui laisse présager l’instauration de taxes sur les vins.

La disparition de certains phytosanitaires, comme le Pledge, engendre une forte anxiété. Notre mission consiste à trouver des alternatives pour continuer à protéger la vigne tout en obtenant un raisin de qualité. Nous intégrons de plus en plus de biostimulants, de solutions de biocontrôle, et les viticulteurs achètent ces produits progressivement. »

Stéphane Bidet, responsable arboriculture chez Saboc

« Les biosolutions se développent, car nous manquons de solutions conventionnelles »

« Avec les pluies, les terrains ont été massacrés pendant les récoltes, et il faudra remettre cela en état au printemps. Nous avons des craintes pour la conservation des fruits : la cueillette a traîné en longueur et s’est déroulée sous la pluie. L’inconnue demeure donc la durée de conservation des fruits. Les rendements sont en retrait par rapport à la récolte 2023, qui était une bonne année. La récolte 2024 n’est pas mauvaise, mais reste une année moyenne.

Il y a eu davantage de recours aux fongicides, mais moins de problèmes liés aux insectes. Pour 2026, l’inquiétude porte sur la disparition de certaines spécialités phytosanitaires, ce qui fragilisera les filières pommes et poires, notamment en matière de gestion des pucerons. Cette situation suscite une grande inquiétude chez les arboriculteurs.

Les biosolutions se développent, car nous manquons de solutions conventionnelles. Elles représentent aujourd’hui 10 à 15 % du chiffre d’affaires phytosanitaire en arboriculture.

Les arboriculteurs doivent mettre tout en œuvre pour lutter contre certains ravageurs, en combinant des barrières physiques, la gestion de la fertilisation et l’équilibre des arbres. Certes, le prix des biosolutions est plus élevé, mais le plus coûteux reste les dégâts causés par les pucerons cendrés. Si les biosolutions atteignent des niveaux de résultats satisfaisants, leurs prix ne poseront pas forcément de problème.. »