Le MACF : un tournant stratégique pour les engrais importés en Europe
À partir de 2026, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) inclura les engrais azotés importés. Hausse attendue des prix, réduction des importations, incitations à l’innovation bas carbone… Le dispositif européen va profondément modifier le marché et les conditions d’approvisionnement des filières agricoles.

Un dispositif environnemental, pas une taxe douanière
Le MACF (Carbon Border Adjustment Mechanism, CBAM en anglais) n’est pas une taxe douanière au sens classique. Il impose aux importateurs de certains produits (acier, ciment, aluminium, électricité, hydrogène, engrais azotés) d’acheter des certificats proportionnels aux émissions de CO₂ générées lors de leur fabrication. Ces certificats sont indexés sur le prix du carbone européen (ETS), garantissant que les producteurs étrangers soient soumis à une contrainte climatique équivalente à celle des industriels européens.
Objectif : éviter les « fuites carbone » (délocalisation de production vers des pays moins stricts) et maintenir des conditions de concurrence équitables.
Une simplification votée en 2025
Le 10 septembre 2025, le Parlement européen a approuvé à une large majorité (617 voix pour) une simplification du dispositif. Parmi les nouveautés :
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seuil d’exemption pour les importateurs de moins de 50 tonnes par an, soit 90 % des opérateurs UE épargnés des procédures,
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allègement des démarches : autorisations, calcul des émissions, vérifications et responsabilités financières rationalisées,
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tout en conservant 99 % des émissions importées couvertes par le mécanisme.
Le texte doit encore être validé par le Conseil de l’UE, avant une possible extension à d’autres secteurs du SEQE dès 2026.
Les engrais dans le viseur dès 2026
Pour le secteur agricole, l’entrée en vigueur du MACF marquera un changement notable. Les engrais azotés concernés comprennent : ammoniac, acide nitrique, nitrates de potassium, engrais minéraux azotés et composés.
Les impacts attendus :
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Hausse des prix à l’import : +15 à +25 % anticipés, répercutés sur les filières agricoles utilisatrices,
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Réduction des importations au profit d’une production domestique, plus coûteuse car soumise au marché carbone,
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Stimulation de l’innovation : incitation à produire des engrais « bas carbone » via hydrogène vert ou ammoniac décarboné,
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Risque à l’export : les producteurs européens, soumis au MACF en interne, pourraient perdre en compétitivité sur les marchés mondiaux.
Un enjeu clé pour les filières agricoles
Les intrants azotés représentent entre 6 et 12 % des coûts de production agricole. Toute variation de prix liée au MACF se répercutera directement sur les marges des exploitations. Si le mécanisme peut accélérer la transition vers des engrais plus durables, il impose aussi une vigilance accrue sur la compétitivité des filières européennes face à leurs concurrents internationaux.