Revue par le Gouvernement, la PPL Duplomb-Menonville ajuste sans abolir la séparation vente/conseil
Par Paul Laillier | Le | Politique agroécologique
La PPL des sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été votée dans la nuit du 27 au 28 janvier 2025. Non sans quelques modifications au texte déposé par les deux parlementaires. La suppression de la séparation vente/conseil, initialement prévue par la PPL, est remplacée par une « solution intermédiaire », permettant aux distributeurs de produits phytosanitaires de pouvoir exercer une activité de conseil tout en séparant les activités pour les metteurs en marché. Des règles de prévention de confits d’intérêt sont également prévues.

C’est la fin de la première étape pour un texte qui n’en finit plus de faire parler de lui. La PPL de Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UC) visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été votée par le Sénat (233 votes pour, 109 contre, 2 abstentions), dans la nuit du 27 au 28 janvier 2025. Déposés le 1er novembre 2024, la PPL et ses six articles ont connu, lors des discussions en séance publique de la chambre haute, plusieurs modifications puisque 27 amendements, dont 16 rédigés par le Gouvernement, ont été intégrés au texte initial.
« Opposer environnement et agriculture est une impasse, raison pour laquelle nous avons fait ce travail pour trouver les voies de passage. Elles sont plus compliquées, peut-être moins tonitruantes, mais elles vont apporter des solutions sur des sujets extrêmement attendus par les agriculteurs », résumait Annie Genevard, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, avant le vote favorable des sénateurs.
Des « points de points de blocage » avec l’exécutif sur les néonicotinoïdes
Malgré une rencontre entre les deux parties la semaine dernière, les désaccords entre l’exécutif et les deux parlementaires étaient nombreux. « Il semble qu’il y ait encore quelques points de blocage […]. La question de la réintroduction de l’acétamipride est un sujet pour lequel nous n’avons pas encore d’arbitrage », reconnaissait Laurent Duplomb, lors d’une conférence de presse le 22 janvier 2025. De fait, la réautorisation des néonicotinoïdes, que prévoyait la PPL, est longtemps apparue comme l’une des lignes rouges du Gouvernement. En amont des débats au Sénat, Annie Genevard apparaissait d’ailleurs peu encline à la discussion : « Je veux me concentrer sur toutes les autres dispositions sur lesquelles nous pouvons proposer des avancées significatives », exprimait-elle. Sur ce sujet, Pierre Cuypers a probablement permis de concilier les deux camps. Le rapporteur de la commission des Affaires économiques a fait voter un amendement permettant une dérogation, à titre exceptionnel, des néonicotinoïdes, « sous réserve que la substance active concernée soit approuvée au niveau européen et à la condition que la filière soit engagée dans un plan de recherche d’alternatives ».
Rétablissement du conseil en séparant les deux activités
Le rétablissement de la possibilité pour un distributeur de produits phytopharmaceutiques de pouvoir exercer une activité de conseil.
Parmi les autres changements majeurs, le revirement sur la séparation vente/conseil, supprimée par la PPL initiale. « Pas envisageable », selon Annie Genevard. Le gouvernement propose une solution intermédiaire. Le rétablissement de la possibilité pour un distributeur de produits phytopharmaceutiques de pouvoir exercer une activité de conseil :
- en conservant les CEPP,
- en prévoyant des règles de prévention de confits d’intérêt,
- en maintenant la séparation des activités pour les metteurs en marché qui vendent des produits phytosanitaires et des contrats de service aux agriculteurs pour lesquels le conflit d’intérêt entre conseil et vente ne peut être écarté.
Le Conseil stratégique à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques est, quant à lui, rendu facultatif et décorrélé de l’obtention du Certiphyto.
Par ailleurs, l’interdiction des remises, rabais, ristournes, de la différenciation des conditions générales et particulières ou de la remise d’unités gratuites ou de toutes pratiques équivalentes sur les produits phytopharmaceutique, est conservée.
Assurance récolte pour les prairies
L’instauration d’un plan pluriannuel de renforcement de l’offre d’assurance récolte destinée aux prairies, en lieu et place des modalités de recours en cas de contestation des évaluations des pertes envisagées par la PPL, est également actée.
« Il n’est ni possible ni souhaitable de revenir à un système d’expertise terrain basé sur des bilans fourragés et sur une reconnaissance collective des pertes à l’instar du régime précédent des calamités agricoles que la loi a réformée. Cela acterait la fin de l’assurance prairie en raison du retrait immédiat des assureurs et des réassureurs de ce segment de marché pour lequel une expertise terrain est incompatible avec une évaluation indicielle des pertes », soutenait Annie Genevard avant l’examen de la proposition.
Les ouvrages de stockage d’eau déclarés d’intérêt général majeur
Les ouvrages de stockage d’eau et les prélèvements associés se trouvent, pour leur part, déclarés d'intérêt général majeur « lorsqu’ils ont une finalité agricole, se situent en zone de déficit quantitatif pérenne et sont issus d’une démarche territoriale concertée ».
La dernière série d’amendements concerne l’OFB, vivement critiqué lors des récentes manifestations agricoles. Ils prévoient notamment de positionner le préfet, déjà délégué territorial de l’Office, comme coordinateur des missions de police administrative. Les sénateurs Duplomb et Menonville souhaitaient, dans leur proposition de loi, privilégier cette procédure plutôt que la voie judiciaire. « L’amendement renforce le rôle qui lui est délégué dans le but de mieux organiser les contrôles relatifs à la police de l’environnement et ainsi améliorer les relations entre les agents chargés de cette police et les usagers », soutient ainsi le Gouvernement. Ce dernier introduit, enfin, le port de la caméra individuelle pour les inspecteurs, censé « apaiser les tensions entre les agents chargés de la police de l’environnement et certains usagers ».
La procédure accélérée enclenchée
Dans la foulée du vote favorable au Sénat, le texte a été déposé à l’Assemblée nationale le 28 janvier, et saisi au fond par la commission des Affaires économiques le jour même. Une rapidité permise par l’engagement d’une procédure accélérée, comme demandée par Laurent Duplomb.
« Une procédure accélérée, c’est un passage à l’Assemblée, un passage au Sénat, une CMP, rappelait le parlementaire le 22 janvier. Si ce n’est pas une procédure accélérée, cela veut dire deux passages dans chaque chambre, donc un rallongement énorme des délais. Si le Gouvernement est attaché à cette PPL, si le Gouvernement a compris qu’elle est un élément de réponse au marasme de toutes les filières, il devrait accepter d’émettre cette procédure accélérée ».
Reste à savoir, désormais, quel sort les députés lui réserveront. « Il nous faut être sur un temps ouvert, qui ne peut qu’être un temps dédié à une semaine gouvernementale », glissait, en guise de dernière volonté, le sénateur de Haute-Loire.