Tendance engrais - Le deuxième apport d’azote, sous tension

Cette campagne marquera-t-elle un tournant dans la capacité à anticiper les achats ? Des ruptures de livraisons en ammonitrates chez les agriculteurs ont bien eu lieu. La morte-saison 2014-2015 devrait au moins en tenir compte.

« On pleure après nos tonnages », s'exclamait un distributeur lors de notre précédente tendance. Depuis, la tension s'est reportée vers les agriculteurs, qui ont subi des ruptures d'approvisionnement en ammonitrates. « Plus souvent pour les enlèvements en vrac aux magasins qu'en big-bags, qui permettent en général une meilleure anticipation », note un distributeur de la façade atlantique. Après les conditions compliquées du premier apport (forte pluviométrie), le deuxième passage s'est engagé très rapidement, en avance sur une campagne « normale » d'une à deux semaines.

Les arrêts programmés ou accidentels, intervenus dans un grand nombre d'usines en France et en Europe ont durablement perturbé les livraisons d'ammonitrates. Le marché n'est guère approvisionné que par un petit flux d'importation. Le retour à la normale n'est pas attendu avant fin avril. La demande s'est reportée sur l'urée, avec un retour des offres de l'Algérie. Le transfert de volume, bien que difficile à estimer, est loin d'être marginal. Les tensions ont également touché les phosphatés.

Des flux toujours plus tendus

«  Nous avons été livrés vraiment à la dernière minute sur nos ateliers portuaires, alors que nous avions largement anticipé les commandes », témoigne cet opérateur du Sud-Ouest. Le constat est partagé par les autres acteurs. « La France n'est plus un marché stratégique. Face à des fournisseurs de plus en plus internationaux, les règles ne sont plus respectées, même pas en termes d'exécution », complète un acheteur du Nord.

Les cours sont également fixés à partir de l'international. Ceux de l'urée, qui restent le marché directeur, poursuivent leur repli. La barre des 300 euros pourrait être atteinte à court terme. La potasse, à l'inverse, est à la hausse, avec des disponibilités réduites. Stabilité pour l'instant des phosphatés et des solutions azotées. Les tensions entre l'Ukraine et la Russie se sont ressenties sur les marchés des céréales, mais n'interfèrent pas, pour l'instant, sur le secteur des fertilisants.

Prochaine morte-saison, vers plus d'anticipation

Les difficultés d'approvisionnement cette année vont-elles se traduire par une meilleure anticipation des commandes lors des campagnes à venir ? Les distributeurs plaident en ce sens, mais doutent que les agriculteurs soient durablement sur la même longueur d'ondes. L'impact sera donc probable pour la prochaine morte-saison, mais pas au-delà. L'élaboration d'offres alternatives permettant d'intégrer les fluctuations du marché, à l'instar de ce qui se fait en céréales, reste une solution. « Mais elle se heurte à l'absence d'outils de référence et de volonté de la part des fournisseurs », conclut un acheteur.

Un secteur pourrait tirer profit de ces tensions : celui des engrais de spécialités, qui progresse sensiblement en ce moment. Leur valorisation permet d'engager des approches logistiques plus sécurisées.

Cotations au 21 mars 2014, prix en euros par tonne pour des quantités importantes, stade distribution. Euro à 1,3795 dollar (entre parenthèses, cours le 28 février 2014).

- Solutions azotées : départ port, sur Rouen, mars, 222-225 (222-225) ; La Pallice, mars, 235 (235).

- Ammonitrates : vrac franco magasin de la distribution, 33,5 %, dernières livraisons effectuées, 340 (février-mars, 325-330). Importation, 34,4 %, départ port Nantes-Saint Malo, mars, 326-330.

- Urée  : granulés, VDB ports de l'Atlantique, mars-début avril, 345-350 (février, 345-350) ; fin avril, 320.

- Phosphatés : VDB, TSP, mars-avril, ports de l'Atlantique, 305-310 (305-310) ; sur Rouen, 300 ; DAP, mars, 430-435 (430-435).

- Potasse : VDB ports de l'Atlantique, mars-avril, 290 (285-290) ; franco camion de la distribution, 300-310 (295-310).

- Engrais composés : vrac franco magasin, PK base 25/25, mars, 325 (février, 325-330) ; base 3 x 15, 345 (335-340).