Déploiement des systèmes de cultures intégrées, le point avec Agro Transfert
Alors que la Commission européenne entame la révision de la directive sur l’utilisation durable des pesticides, Référence agro a souhaité faire le point sur l’avancée, en France, des systèmes de cultures intégrés, qui préviennent les risques et limitent ainsi le recours aux produits phytosanitaires. Rencontre avec des responsables d’Agro Transfert, la plateforme des Hauts-de-France de conduite de projets de transfert à l’interface entre la recherche agronomique et le développement agricole.

La lutte intégrée contre les ennemis des cultures, dont les principes généraux sont énumérés à l’annexe III de la directive 2009/128/CE « instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable », consiste à privilégier les méthodes non chimiques, les pratiques et produits présentant le risque le plus faible pour la santé humaine et l’environnement. Ces principes, que la directive a rendu obligatoire au 1er janvier 2014 dans tous les États membres, sont aujourd’hui fondus dans l’agroécologie. Mais leur généralisation tarde à venir, d’où la révision de la directive souhaitée par la Commission européenne. Qu’en est-il en France ? Réponse, avec Jean-Pascal Hopquin et Jérôme Pernel, respectivement directeur et chargé de mission « Systèmes de production innovants » chez Agro Transfert.
Référence agro : L’association Agro Transfert travaille depuis 2003 les systèmes de cultures intégrés. Quels sont les résultats obtenus ? Ce raisonnement a-t-il gagné du terrain ?
Jérôme Pernel :
Référence agro : Quels sont les principaux freins à l’adoption de cette conduite des cultures ?
Jean-Pascal Hopquin :
Référence agro : À défaut de changement global de systèmes, des leviers de la protection intégrée se développent-ils ?
Jérôme Pernel : Oui, plusieurs pratiques se déploient. L’utilisation de variétés résistantes, la baisse des densités de semis, la gestion des intercultures, l’alternance labour/non rentournement, le mélange de variétés… en font partie. En colza, par exemple, le semis d’un pourcentage de variétés plus précoces pour attirer les méligèthes gagne du terrain.
Référence agro : Les agriculteurs sont-ils incités à aller plus loin et repenser leurs systèmes de cultures ?
Jean-Pascal Hopquin : Beaucoup de voyants sont à l’orange, voire au vert. Et l’intérêt du monde agricole aux systèmes de cultures intégrés augmente, nous l’observons dans nos visites et formations.
Jusqu’à présent, le marché était défavorable aux changements de pratiques. Les carcans de mise en marché, comme par exemple les critères d’apparence des fruits et légumes, qui conditionnent le rapport qualité/prix, permettent difficilement le passage à une protection intégrée. Mais le déploiement de la HVE, qui comble le trou entre le conventionnel et le bio, ou encore du « zéro résidu » change la donne : leur respect, en grandes cultures, est impossible sans protection intégrée. Le consommateur et le distributeur ont le pouvoir de faire modifier les pratiques, surtout si les efforts sont rémunérés. Mais il faut de la cohérence dans le changement. Les exigences ne doivent pas s’inverser du jour au lendemain.
La diminution du nombre de molécules phytosanitaires disponibles et le développement de résistances, qui laissent les agriculteurs face à des impasses techniques, participent également au déploiement des mesures prophylactiques. Tout comme l’impact du changement climatique, car l’irrégularité croissante des conditions climatiques conduisent à une moindre expression du potentiel de rendement : les investissements en intrants sont moins rentables. Enfin, la séparation du conseil et de la vente et l’obligation d’un conseil stratégique vont également dans le sens d’une meilleure incitation aux changements de systèmes.
Référence agro : Comment accompagner les agriculteurs ?
Jean-Pascal Hopquin : L’accompagnement vers un système le plus préventif possible est primordial, mais difficile et gourmand en temps. Car chaque système s’avère différent, copier son voisin n’est pas forcément la bonne solution. Nous sortons d’une gestion standardisée et devons revenir à une gestion particulière, avec des besoins d’informations plus fines. Le conseiller, en outre, n’est plus que le sachant qui dit ce que l’on doit faire : il doit désormais aussi aider l’agriculteur à trouver sa solution propre.