Lidl et les filières élevages des Hauts-de-France engagés pour des alternatives au soja importé
L’enseigne Lidl se donne des objectifs sur plusieurs produits d’origine animale, pour lesquels elle souhaite s’approvisionner dans des élevages n’important pas de soja. La démarche est suivie de près par un groupe d’acteurs implantés dans les Hauts-de-France. Derrière cette filière spécifique, tout un territoire est mobilisé en faveur d’une plus grande autonomie protéique. Explications.

Moins de soja importé dans les auges du bétail des Hauts-de-France. Voilà le leitmotiv commun d’un groupe de travail multi-acteurs, initié par Lidl. Lancé en novembre 2020, et après plusieurs sessions de travail, ce groupe a officialisé son engagement le 24 juin. Pour l’enseigne, l’objectif est clair : proposer des produits d’origine animale issus d’exploitations utilisant des aliments protéiques locaux. Le lait et les œufs devraient ouvrir la voie, dès octobre, avant les poulets de chair d’ici à la fin d’année, tandis que les produits de la filière porcine devraient suivre en 2022. Les 200 supermarchés Lidl des Hauts-de-France seront ainsi approvisionnés par l’ensemble de ces produits. Pour la filière porcine, le spectre de distribution pourrait être national, selon les volumes produits.
« Nous avons sollicité l’accompagnement de la fondation Earthworm, qui nous a rapidement aiguillés vers la Région Hauts-de-France pour construire un groupe de travail avec des structures déjà mobilisées sur ce type d’enjeu », raconte Isabelle Hoffmann, responsable RSE achats chez Lidl. Ce groupe intègre la Chambre d’agriculture des Hauts-de-France, la coopérative Noriap, le spécialiste de la nutrition animale Novial, ou encore le fabriquant de compléments alimentaires pour animaux Metex Noovistago. Pour chaque partie prenante, le groupe de travail n’est pas une fin en soi, mais plutôt une forme de concrétisation d'une thématique « alternatives au soja » déjà identifiée et travaillée.
Garder des auges nourrissantes et appétentes sans soja importé
Directrice innovation de Noriap, Nathalie Ternois, l’affirme : la coopérative occupe ce créneau depuis plusieurs années. « La diversification des assolements, avec davantage de cultures protéiques, est un enjeu important pour nous et nos adhérents. Ce projet permet notamment d'aborder le facteur « rémunération », souvent limitant pour les agriculteurs qui jouent le jeu. » L’ambition de Noriap est d’aider le plus grand nombre possible de ses adhérents à modifier leur assolement pour capter la valeur ajoutée de débouchés protéiques alternatifs.
Même son de cloche chez Novial. Chargée de mission responsabilité sociétale, Mathilde Dubocage explique : « Nous nous plaçons en expert sur ce qui est selon nous un enjeu d’avenir. Le soja n’est pas simplement concurrentiel en termes de prix, il est aussi appétant pour le bétail. Faire évoluer le contenu de l’auge ne doit pas signifier moins bien répondre aux besoins de l’animal. » Si Novial ne se donne pas d’objectif chiffré quant à ce type de filière, réduire son impact « soja importé » est une ambition forte.
La Chambre régionale, expert technique… et financier
Pour la Chambre régionale d’agriculture des Hauts-de-France, également, la dynamique n’est pas nouvelle. « Cette question de l’approvisionnement en aliments d’élevages locaux est à l’interface de multiples enjeux structurels, souligne l’élu Emmanuel Leveugle. Nous essayons d’articuler ensemble la future Pac, le Plan Protéines ou encore le Plan Agroécologie des Hauts-de-France. Ce type de projet touche aussi aux émissions de carbone, réduction des usages d’intrants dans la rotation via l’implantation de légumineuses, ou même la pollinisation, l’érosion des sols ! »
La Chambre sera sollicitée pour l’accompagnement technique des agriculteurs modifiant leurs assolements en intégrant des cultures moins habituelles (soja, mais aussi pois, colza, légumes secs et lentilles). Elle entend, aussi, défricher la question des risques financiers pris par les cultivateurs et des éleveurs. « Nous étudions tous les leviers financiers disponibles, explique Elise Pelzer, chargée d’innovation à la Chambre. L’idée est non seulement de compenser les éventuelles pertes économiques, mais aussi de valoriser les services environnementaux rendus par les exploitations. » La Pac ou certains paiements spécifiques pris en charge par la Région, sont évoqués.
Lidl veut aussi du soja importé, mais plus responsable
Pour ce qui concerne son approvisionnement, Lidl a déjà mis en place des dispositifs pour sécuriser les élevages. « Aucun surcoût lié au changement de matière première ne sera imputé aux agriculteurs, assure Isabelle Hoffmann. Ce sont les autres maillons de la filière qui se répartissent ce surcoût. De plus, nous avons estimé le risque de pertes de rendement lié à la démarche, pour chaque exploitation, et nous sommes engagés à les couvrir, le cas échéant. » Pour un élevage de poules pondeuses, par exemple, ce montant est estimé à 15 000 €.
Lidl souhaite que cette démarche fasse boule de neige dans ses circuits d’approvisionnement. Mais avant d’impliquer davantage d’agriculteurs (l’enseigne contractualise avec quelques 5 000 éleveurs en tout), l’objectif est de consolider le dispositif. « Nous manquons de recul sur les impacts techniques et économiques, rappelle Isabelle Hoffmann. Nous savons qu’un changement profond comme celui que nous impulsons ne peut pas s’opérer immédiatement, ni sur toutes les exploitations. D’ailleurs, nous ne misons pas tout sur la substitution du soja importé, et visons également un approvisionnement en soja d’import plus responsable. »