Performance carbone de la méthanisation, un casse-tête nommé RED II
Courant 2022, les unités de méthanisation de dimension importante devront justifier de leur empreinte carbone pour entrer dans les clous de la réglementation européenne. Pour Vincent Jean-Baptiste, responsable des affaires agricoles chez GRDF, cette obligation risque de drainer de la complexité pour les agriculteurs méthaniseurs. Il reste également vigilant sur les mécanismes de calcul, qui pourraient évoluer d’ici à la publication des textes d’application.

Dans le cadre de la directive européenne « RED II », les gestionnaires d’installations injectant plus de 19,5 GWh par an de biométhane seront soumis à un suivi « carbone » à partir de mi-2022. Fin août, cela représentait 25 unités, mais ce chiffre connaît une augmentation importante. Seuls cinq sites étaient ainsi concernés fin mars 2021. Ces unités devront obtenir une certification attestant que l’énergie qu’elles produisent émet 70 % de gaz à effet de serre de moins qu’un combustible de référence. Cette règle s’appliquera toutefois uniquement aux unités qui auront vu le jour à partir du 1er janvier 2021. Pour les unités mises en fonctionnement à partir de 2026, ce taux devra être de -80 %. Pour les gestionnaires d’unité, le risque n’est pas neutre : si ces taux ne sont pas atteints, le tarif de rachat du biogaz serait totalement remis en cause, avec la perte de toute subvention publique.
Faciliter les calculs pour les agriculteurs
Pour aider les producteurs à évaluer leur « score », Solagro et Inrae Transfert ont conçu un outil dédié, présenté en avril. Depuis, il a été testé par un groupe de travail réunissant les acteurs de la filière. Il sera donc disponible pour l’ensemble des producteurs le moment venu. « Nous avons envisagé plusieurs centaines de configurations possibles, précise Vincent Jean-Baptiste, responsable des affaires agricoles chez GRDF, qui a financé la conception de l’outil. Nous restons mobilisés pour l’adapter aux futurs textes d’application et le rendre le plus ergonomique possible. » Un enjeu majeur, selon lui. Initialement, la directive RED concernait uniquement les agrocarburants. Un secteur dans lequel les acteurs concernés sont de grosses structures. Ce n’est pas le cas de la méthanisation agricole.
Craintes sur les bonus liés aux effluents et aux Cive
De fait, si Vincent Jean-Baptiste se dit plutôt optimiste sur l’atteinte de l’objectif de fond et ces -70 % de GES, il estime la directive très exigeante en termes de compréhension et pourrait être perçue, sans mauvais jeu de mot, comme une usine à gaz. « Certaines unités de méthanisation sont portées par deux ou trois agriculteurs, dont le temps et la charge mentale sont comptés, analyse-t-il. Nous espérons que cet outil leur simplifie la vie, car cette certification est complexe et revêt un aspect très administratif, qui en outre n’est pas exploitable à d’autres fins, comme par exemple la communication. »
La filière méthanisation attend les textes définitifs
Autre sujet d’inquiétude : le caractère évolutif de la directive. Si les grands axes sont posés, les actes d’exécution qui doivent la formaliser ne sont pas encore parus au Journal officiel de l’UE. Or, certains bonus initialement prévus pourraient être remis en cause d’ici à leur publication. « L’utilisation d’effluents d’élevage ou de cultures intermédiaires à vocation énergétique devait être prise en compte dans le calcul, ces gisements ayant des aménités positives en termes de carbone, explique Vincent Jean-Baptiste. Si ce n’est pas le cas, alors c’est l’atteinte des objectifs de fond qui pourraient devenir inatteignable pour certaines unités. »