Au Sival 2024, retour au calme
Le Salon des productions végétales spécialisées, Sival, qui s’est tenu du 16 au 18 janvier à Angers, a accueilli près de 25 000 visiteurs, une affluence légèrement moins importante qu’en 2023. Après des années de rupture d’approvisionnement et de forte inflation, le marché des approvisionnements retrouve une certaine quiétude. Toutefois, les perspectives de fortes baisses de la consommation de vin empêchent les viticulteurs de se projeter vers l’avenir, créant une situation d’attentisme. Entretiens avec les distributeurs rencontrés au Sival.

Stéphane Bidet, responsable arboriculture, et Laurent Fonteneau, responsable viticulture, de Saboc, filiale d’UAPL
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Stéphane Bidet, responsable arboriculture, et Laurent Fonteneau, responsable viticulture, de Saboc, filiale d’UAPL[/caption]
« Le conseil n’a jamais été aussi crucial »
« En arboriculture, l’ambiance au Sival est plutôt bonne. La récolte 2023 a été bonne en quantité et en qualité, alors que 2022 était une catastrophe, explique Stéphane Bidet, responsable arboriculture de Saboc. Même si le marché est plus soutenu, il est absorbé par la hausse des charges : inflation, hausse du coût de l’énergie, des matières premières, de la main d’œuvre. Toutefois, l’ambiance est meilleure que l’année dernière. » La situation en viticulture est plus anxiogène. « Dans la région du Val de Loire, la récolte est très bonne et la qualité est au rendez-vous, indique Laurent Fonteneau, responsable viticulture de Saboc. Mais il n’y a pas de marché. Depuis janvier, c’est le calme plat. La consommation baisse de 10 à 15 % en grande distribution, avec un contexte réglementaire qui se complexifie, notamment avec les zones de non-traitement. »
La situation s’est toutefois détendue sur les approvisionnements. « Nous sommes revenus à des prix des engrais proche de la période Covid et les pénuries d’approvisionnement relèvent du passé, indique Stéphane Bidet. La campagne phytosanitaire s’annonce calme, les règles ne vont pas trop changer mais nous attendons la disparition de molécules emblématiques pour 2025/2026, notamment en insecticides, par exemple pour la gestion du puceron cendré en pommier. Les prix sont stables sauf quelques exceptions de certains fournisseurs. »
Stéphanie Bidet déplore l’arrêt du conseil pour les vendeurs de produits phytosanitaires : « Nous pensons que le conseil n’a jamais été aussi crucial, nous sommes très sollicités, alors que nous ne pouvons pas en faire. C’est complexe à gérer pour nos vendeurs. »
Aymeric Lespagnol, directeur terrain et responsable approvisionnement des produits de protection des plantes à la CAPL
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Aymeric Lespagnol, directeur terrain et responsable approvisionnement des produits de protection des plantes à la CAPL[/caption]
« Nous menons un travail de qualification de l’offre en biocontrôle »
« Nous avons décidé de mieux accompagner les adhérents sur le développement des services numériques, avec la création en 2022 d’une équipe de trois conseillers agro-service. Ils accompagnent les agriculteurs sur les services numériques, la traçabilité, l’agriculture de précision ou encore les outils d’aide à la décision. Sur les approvisionnements en vigne, la dynamique est stable à date mais le marché des ventes du vin est lui en retrait et génère une incertitude chez les producteurs. Nous axons beaucoup sur le développement du biocontrôle qui représente aujourd’hui plus de 15 % du marché des produits de protection des plantes de la coopérative. Depuis cinq ans, nous menons un véritable travail de qualification de l’offre sur nos solutions de biocontrôle, de façon à développer les produits les plus pertinents techniquement. D’une manière générale, les prix des intrants sont stables par rapport à la campagne dernière et il n’y aura normalement pas de problème de disponibilité. Les intempéries de l’automne ont plutôt eu des conséquences sur les grandes cultures, avec des emblavements en retrait sur les céréales. À l’automne nous avons couvert des besoins en herbicides qui ne se sont finalement pas ou peu faits. Nous ne savons pas encore quels seront les produits du printemps qui seront utilisés. Nous devons prendre des positions, avec des risques, afin d’avoir un maximum de produits disponibles au printemps. »
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Claude Bizieux, directeur de la CAMN[/caption]
Claude Bizieux, directeur de la CAMN
« Nous vivons une période paradoxale »
« Nous sortons d’une période post-covid, de forte inflation et où beaucoup de questions se posent sur les projets en agriculture et agroalimentaire. Nous aurons toujours besoin de l’alimentation et donc de l’agriculture, mais le pouvoir d’achats des consommateurs s’arbitre trop souvent sur l’alimentaire. C’est une période paradoxale. À la CAMN, nous continuons notre politique d’achat et de vente auprès de nos adhérents : avoir la meilleure gamme de produits disponibles au meilleur rapport qualité / prix. L’approvisionnement est plus stable : les longs délais de livraison avec des pénuries de produits sont derrière nous. Les prix des intrants ont baissé même si nous ne sommes pas revenus à la période précédant la Covid-19. Mais, avec la hausse des taux d’intérêt, les coûts de financement des stocks en cultures spécialisées, où il y a une grande diversité de cultures, a fortement augmenté. Les solutions de biocontrôle représentent toujours 45 % de notre chiffre d’affaires, mais nous avons, depuis quelques années, atteint un palier.
Parmi nos projets, nous aménageons progressivement nos magasins, notamment grand public. Cette année, quatre sur les huit que nous comptons seront finalisés.
Le chiffre d’affaires du groupe pour 2023 s’élève à 39 millions d’euros, un peu moins qu’en 2022 : ceci étant lié à une déflation. »
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Xavier Besson, responsable activité vigne chez LVVD, filiale de Terrena.[/caption]
Xavier Besson, responsable activité vigne chez LVVD, filiale de Terrena
« Les viticulteurs sont attentistes »
« Il y a eu un coup de frein sur les achats d’approvisionnement en 2023 car les viticulteurs sont attentistes, avec des prévisions d’une baisse de la consommation, estimée à - 30 % en 2030. Malgré tout, le Val-de-Loire s’en sort bien. Pour l’instant, nous ne changeons pas notre offre, qui est très diversifiée. Il n’y a plus de stocks phytosanitaires chez les viticulteurs car il y a eu beaucoup de maladies. Le panier moyen de vente devrait donc augmenter. Mais les viticulteurs économisent sur la fertilisation. Or, nous insistons sur le fait qu’il faut refaire ses réserves car la fertilisation est la meilleure assurance anti-gel, pour un meilleur redémarrage. Attention aux impasses, notamment après une année à forte production qui a puisé dans les réserves de la vigne. Nous avons eu cette année 1000 millimètres de pluie : cela a entraîné des impasses qui peuvent encore être rattrapées au printemps. Pour l’heure, nous avons, au niveau des ventes d’engrais, un retard de 15 à 20 % mais nous espérons que cela sera rattrapé au printemps. Sur les produits phytosanitaires, il y a de plus en plus de demande sur les produits non CMR2, du fait notamment de l’évolution du référentiel de la Haute valeur environnementale, mais les programmes seront plus complexes à établir en forte année mildiou. D’ailleurs, la HVE ne progresse plus et nous avons commencé à voir des viticulteurs arrêter le label.
Par ailleurs, nous notons une pression insecticide faible. Avec l’évolution climatique, le cochylis disparaît, et l’eudémis n’est pas encore venue chez nous. Mais cela ne saurait tarder, nous devons rester prudent. »
La prochaine édition du Sival se tiendra du 14 au 16 janvier 2025.